Fête du Chapitre

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Cette chanson de hauts grades conclut, aux pages 34 et 35, le recueil intitulé Chansons  et pièces fugitives composé en 1863 par le Frère Roche pour sa Loge nantaise de Mars et les Arts (titre distinctif ici évoqué au dernier vers).

C'est avec une impertinence très décomplexée que Roche affronte le reproche, souvent fait aux Rose-Croix, de festoyer en pleine Semaine Sainte lors de leur banquet rituel du Jeudi-Saint.

Concernant la référence à Barême (au dernier couplet), voir ici.

1859

 

JEUDI-SAINT, FÊTE DU CHAPlTRE.

 

Air : J'étais bon chasseur autrefois.

 

En savourant ces mets exquis, 
En sablant bourgogne et madère, 
Dont les topazes et rubis 
Scintillent au fond de mon verre, 
D'un oubli je dois m'étonner... 
Il me cause un remords suprême : 
Nous venons de bien déjeuner, 
Et de faire gras .... en carême !

S'il est juste et religieux 
Qu'en ces temps de sainte abstinence, 
De ses repas dispendieux 
Le riche fasse pénitence, 
Plaignons en toute charité 
L'infortuné jeùnant ... quand même, 
Pour qui, pauvre déshérité, 
L'existence est un long carême !

L'autre jour près d'un jeune époux
Une dévote fort jolie,
D'un air encourageant et doux 
Risquait certaine agacerie ... 
En souriant l'époux lui dit: 
« Pour toi mon ardeur est extrême ... 
Mais tu sais qu'il est interdit 
De faire gras dans le carême. » 

Chaque fois que revient le jour 
De nos agapes fraternelles, 
De notre sainte loi d'amour 
Suivant les maximes si belles, 
Pour ceux qu'opprime le destin 
Chacun s'impose de lui-même, 
Et des miettes du festin. 
Nous sanctifions le carême. 

     D'un bel art que je chérissais 
Il fallut quitter la carrière ; 
Aux muses que je courtisais 
Succède un labeur bien contraire ; 
Mais chassant le spleen enfanté 
Par la pratique de Barême ... 
Un jour encor j'aurai chanté 
Pour les Arts et Mars ... en carême. 

Voir l'air j'étais bon chasseur autrefois

Rose-Croix

Rose-Croix est - notamment - le 18e degré du REAA.

On lira avec intérêt une analyse de Daniel Ligou sur la place de ce grade dans le Rite Français.

L'inspiration chrétienne de ce grade et de son banquet rituel du Jeudi-Saint est évidente : L'historique de ce grade, écrit Vassal en 1832, n'est qu'une explication morale des mystères du christianisme, et il exprime l'institution veritable du christianisme primitif, étant par conséquent, exempt de ia corruption que le sacerdoce y a introduit.

Cette inspiration est mise en évidence à la médaille ci-contre, frappée en 1858 à l'initiative de la Loge de la Triple Espérance de Port-Louis, à l'occasion d'un service solennel célébré à Notre-Dame de Paris avec l'approbation de Son Eminence le cardinal Morlot archevêque de Paris pour le repos de l'âme de divers Frères appartenant à des Loges de l'île Maurice auxquels l'évêque catholique de cet Orient [ndlr : Mgr Collier] avait refusé les prières funèbres à cause de leur qualité de francs-maçons.[ndlr : l'attitude tolérante du cardinal Morlot serait encore en 1865 celle de son successeur, le très gallican Mgr Darboy, lors des obsèques du Maréchal Magnan, ce qui lui vaudrait un coup de crosse de Pie IX]. Cet épisode est commenté par Boubée aux pp. 107-10 de ses Souvenirs maçonniques.

Il y eut pourtant en France au XIXe divers efforts (cfr le chapitre concerné de ce document-ci) pour le laïciser, allant parfois jusqu'à remplacer son ternaire Foi - Espérance - Charité (rappelé à la médaille ci-dessus) par Liberté - Egalité - Fraternité.

Il faut lire à ce sujet l'étude approfondie de Pierre Mollier, Le grade maçonnique de Rose-Croix et le christianisme : enjeux et pouvoirs des symboles.

Fantasmes en tous sens

Ragon fit en 1860 une révision (particulièrement verbeuse) de ce rituel. De manière quelque peu fantaisiste, il en attribuait la création aux jésuites :

Après l'apparition de la Francmaçonnerie à Londres, en 1717, les Jésuites, voyant les progrès rapides que faisait partout l'association naissante, prévirent sa durée et le parti qu'on pouvait tirer d'une telle puissance. Ils résolurent de s'en emparer, la jugeant éminemment propre à servir leur dessein secret d'arriver à la domination universelle, sous le voile de l'ordre du Temple, dont ils auraient récupéré les biens, en y intéressant les maçons initiés à leur plan. On mit la main à l'œuvre. Ramsai les aida, en créant, en 1728, à l'aide d'une fable sur les croisades, trois grades templiers qui furent rejetés à Londres et admis à Paris ; car parler en loge des croisades, c'était attirer l'attention des maçons de divers pays sur une entreprise qui avait été toute chrétienne, et disposer, en quelque sorte, les esprits en faveur du projet qu'on cherchait à exécuter et qui consistait à christianiser l'universalité des maçons. Mais, pour atteindre ce but si désiré, il devenait indispensable de leur inculquer la même foi religieuse, et l'on imagina d'inventer le grade de Rose-Croix, espérant bien, au moyen d'un secret merveilleux qu'on y introduirait (celui de faire de l'or), puis à la faveur du titre magnifique de Souverain Prince Rose-croix et des privilèges qui y sont attachés, de capter la grande majorité des maçons. En France, on rechercha le titre et les décors avec empressement; on se soumit aux génuflexions; mais l'intention et l'esprit du grade furent sans effet.

et, à propos spécifiquement du grade de ROSE-CROIX D'HÉRÉDON DE KILWINNING, il enfonçait ce clou en ajoutant :

C'est un fort beau grade, bien conçu, habilement mené et le mieux fait de tous les grades non-maçonniques. On ne peut pas altérer avec plus d'adresse le sens de nos symboles ; il n'est guère possible d'appliquer avec plus d'art les formes et les allégories maçonniques à une chose (le catholicisme) étrangère à la vraie maçonnerie, c'est un chef-d'œuvre jésuitique.

L'antimaçonnisme s'est nourri d'autres élucubrations telles que celles ci-dessous, dues, voici plus d'un siècle - mais il arrive qu'on les retrouve de nos jours dans des sites antimaçonniques qui ne craignent pas le ridicule -, à l'ineffable Léo Taxil (ici dans l'ouvrage Les assassinats maçonniques, écrit en collaboration avec Paul Verdun) ; on reconnaît son habileté à doser le vrai et le faux :

Le grade de Rose-Croix, qui est le 18e degré, est le plus élevé de la Maçonnerie Rouge, de même que celui de Maître est le dernier de la Maçonnerie Bleue. Le Rose-Croix jure sur un glaive, « symbole du courage », d'habituer son bras à défendre ses Frères. Des compagnons de sac et de corde né promettraient pas autre chose ...

...  la cérémonie se termine par une imitation sacrilège et dérisoire de la Cène et de la communion. Mais il y a plus fort comme impiété. Chaque année, dans la nuit du Jeudi-Saint au Vendredi-Saint, a lieu un banquet, auquel tous les Rose-Croix sont tenus d'assister.

Dans ce banquet, sur la table disposée en forme de croix, est apporté un agneau rôti, dont la tête est surmontée d'une petite couronne d'épines et dont les pieds sont traversés chacun par un clou. Cet agneau est placé au centre de la croix, tourné sur le dos et les pattes de devant écartées, il n'y a pas à s'y tromper : il représente la Victime du Calvaire. Le président de ce banquet sacrilège coupe la tète et les pieds de cet agneau et les jette dans un fourneau allumé. Il les offre ainsi en holocauste à Lucifer, adoré par les Rose-Croix sous la forme du Feu.

On avouera qu'un homme parvenu au degré d'aberration et d'impiété suffisant pour prendre part à une si monstrueuse cérémonie, doit considérer la vie de ses semblables comme une chose de bien minime importance.

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