La première chanson de Boubée

 En cliquant ici (midi) ou ici (MP3), vous entendrez l'air de la Clé du Caveau

Jean Pierre Simon Boubée (1773-1870) fut, selon Ligou dans son Dictionnaire de la Franc-maçonnerie (PUF), un homme de lettres, initié le 19 nivôse de l'an IV [9 janvier 1796] à la Loge toulousaine La Sagesse (lui-même donne l'année 1795 dans ses Souvenirs) et ensuite affilié à la Loge Parisienne Les Vrais Amis (fondée en 1814 par Ragon). On sait qu'il fut 1er et 2d Surveillant de l'Age d'Or ; il fut à plusieurs reprises dignitaire du Grand Orient de France. Un tableau de Loge de la Sincère Amitié de Toulouse, publié (mais malheureusement sans date !) sur le site de Claudie Dussert, nous confirme qu'il était entrepreneur général des transports militaires et député de cette Loge.

Il était toujours un maçon très actif en 1860 (Vénérable de Jérusalem des Vallées Egyptiennes).

On lui doit notamment :

  • en 1854 des Études historiques et philosophiques sur la Franc-Maçonnerie ancienne et moderne, sur les hauts grades et sur les loges d'adoption

  • en 1866 des Souvenirs maçonniques précédés d'une notice historique sur l'origine de la Franc-maçonnerie (ouvrage réédité en facsimile par Slatkine à Genève en 1987)

  • un épisode héroï-maçonnique intitulé L'initiation d'Homère aux mystères maçonniques (qu'on peut consulter aux pp. 125-131 du T. 1 des Annales maçonniques, tome visible sur Google-livres)

On trouve également de lui une planche intitulée De l'origine et de l'établissement de la Maçonnerie en France, qui a remporté le prix de littérature maçonnique en prose, proposé au concours 1808 par la Loge calaisienne Saint-Louis des Amis Réunis. Elle a été publiée (pp. 5 à 33) dans le Tome VI des Annales maçonniques de Caillot (ce tome est accessible sur Google-Books, derrière le tome V) et republiée (pp. 345-50) dans Le Globe en 1841. 

On trouve, également de lui, au Tome V (pp. 136-144) des Annales, un Coup d'oeil sur l'ancienne et nouvelle maçonnerie, planche donnée à l'Age d'Or.

Dans la deuxième partie de sa carrière maçonnique, il ne jure plus que par le rite égyptien, estimant même (à la p. 215 de ses Études historiques et philosophiques sur la franc-maçonnerie ancienne et moderne  en 1854) que la Maçonnerie ... a dévié de la route primitive, pour n'être plus qu'une branche stérile de ce grand arbre que Misraïm planta sur le sol des Pyramides. En 1847, il a d'ailleurs publié Misraim ou les Francs-Maçons, poème en quatre époques et en quatre chants.

Il est aussi l'auteur, outre un oratorio, de sept autres chansons de ce site :

Comme l'écrivait Le Nain Jaune en 1815 pour commenter la sortie de presse de La Mort de Louis XVI, par M. Boubée, extrait d'un poëme inédit 

Ce sont les vers d'un honnête homme ; mais nous engagerons M. Boubée à se rappeler ce vers de Molière :

On peut être honnête homme et faire mal des vers.

Dans les Souvenirs maçonniques précités, Boubée raconte (pp. 42-4, colonne de gauche ci-dessous) avoir composé cette chanson-ci sitôt après sa réception. Il est cependant étonnant qu'il dise avoir composé en 1796 une chanson sur un air datant de ... 1800 : ses souvenirs sont-ils imprécis ou enjolivés ?


          

I.

Les divers maîtres de la terre
Ne sont d'accord presque jamais ;
Les uns ne voudraient que la guerre,
D'autres ne cherchent que la paix.
Mes chers amis, dans cette vie,
Chacun a sa philosophie ;
La mienne est d'aimer le canon
Oui, le canon du Franc-Maçon.
Chantons, honneur et gloire aux Francs-Maçons. (bis)

II.

L'un trouve le bonheur suprême
Dans les grandeurs, l'autre dans l'or ;
A se faire aimer pour lui-même
Un autre place son trésor.
C'est ainsi que dans cette vie
Chacun a sa philosophie ;
Pour moi, je le dis sans façon,
Mon bonheur est d'être Maçon.
Chantons, etc.

III.

Pour élever un édifice.
Nous travaillons avec plaisir ; 
Mais quelle ardeur dans l'exercice 
Quand il s'agit de démolir !
C'est que de la Maçonnerie
Nous avons la philosophie :
Nous bâtissons, démolissons,
Et puis après reconstruisons,
Chantons, etc.

IV.

J'aime fort que l'on nous promette
Des houris après le trépas ;
Mais pour les houris du prophète
Négliger celles d'ici-bas !...
Mes chers amis, dans cette vie,
Croyez-en ma philosophie,
Aimons, fêtons et conservons
Les houris qu'ici nous avons.
Chantons, etc.

V.

Que le profane, à notre porte
Critique ce que nous faisons,
S'il est bigot, peu nous importe,
S'il est badin, nous lui dirons : 
Veux-tu de la Maçonnerie
Connaître la philosophie ?
A ses banquets viens avec nous
Goùter combien ses fruits sont doux.
Chantons, etc.

VI.

Des imprudents disent que l'âme
S‘évanouit avec le corps,
Et, quand la tombe le réclame,
Qu'elle le suit aux sombres bords...
Ah! sainte Franc-Maçonnerie,
Iinvoque ta philosophie :
Dis-moi si l'âme peut périr ?
Non, il faut naître pour mourir.
Chantons, etc..

Le texte que nous avons fait figurer en regard, dans la colonne de droite, est fort différent : c'est celui qui, signé par Boubée, figure (pp. 122-4) au recueil d'Orcel de 1867, sous le titre Honneur et Gloire aux Francs-Maçons.

Mais Orcel a trouvé cette version dans le de janvier-février 1865 du Journal des Initiés qui la donne (p. 33, copie ci-dessous), sous le titre Couplets sur l'air du Calife de Bagdad composés par le Frère Boubée, comme ayant été chantée par le Frère Dantreygacs (il doit s'agir d'un lapsus calami car un tel nom ne semble exister nulle part) après la séquence des Santés (il y en avait eu 10 !) lors du Banquet ayant suivi la Tenue solsticiale du 17 janvier 1865 de la Loge de la Jérusalem des Vallées Egyptiennes :

La Ronde du Calife de Bagdad (le célèbre opéra, datant de 1800, de Boieldieu) à laquelle il est (anachroniquement si, comme le prétend Boubée, sa chanson date bien de 1796) fait référence pour l'air est en fait la Chanson de Table de cet opéra. Non seulement la métrique correspond (8 vers de 8 pieds), mais encore il y a une évidente parenté entre les vers 5 et 6 du premier couplet :

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