La Maçonnerie

Cliquez ici pour entendre l'air de la colonne, dans une version empruntée à une page du site du Collège Henri Dunant à Rueil-Malmaison

Nous avons trouvé cette chanson aux pp. 18-19 (reproduites ci-dessous) du recueil du Tome 2 (1840) du périodique maçonnique Le Globe

Elle sera reproduite à l'identique :

Elle figurait déjà (pp. 9-11) dans La Lyre des Francs-maçons de 1830, mais avec deux couplets de moins et avec de sérieuses différences dans les autres : la deuxième colonne ci-dessous correspond au texte de la première colonne, tandis que la 3e donne le texte de 1830 (les différences sont en mauve).

Mais nous avons pu en détecter l'origine : elle figure en effet déjà au Procès-verbal de la Fête d'Ordre du 24 janvier 1828 de la Loge parisienne de la Bonne-Union. Nous ne disposons malheureusement que d'une copie très partielle de ce document, copie où manquent tous les couplets sauf le dernier. Comme on le voit ci-contre, le texte de cet ultime couplet est le même que dans la version 1830.

Comme il est fréquent à l'époque, Montémont tombe à pieds joints dans le piège des origines mythiques de la maçonnerie et de l'appartenance maçonnique de tous les personnages les plus remarquables de l'antiquité.

L'air de la Colonne (que nous n'avons pas trouvé) a été aussi utilisé  pour une autre chanson l'enfant de la veuve.


LA MAÇONNERIE.

Air de la Colonne.

Maçonnerie, ô reine de la terre,
Toi, dont les pas sont marqués de bienfaits,
Toi, qui pour guide as choisi le mystère,
Cachant toujours les heureux que tu fais, (bis)
Du monde en vain l'esclave te décrie,
Tes fils, liés par des sermens vainqueurs,
Élèvent ce cri de leurs cœurs :
Honneur à la Maçonnerie ! (bis)

A l'Orient nous devons ta naissance,
Tout l'Orient fut soumis à tes lois;
Les Pharaons vénéraient ta puissance,
Et le Jourdain a béni tes exploits ;
Bientôt la Grèce à ta source chérie
Vint abreuver le peuple d'Éleusis ;
Là, chantaient les enfans d'Isis :
Honneur à la Maçonnerie !

Que le Romain, dominateur du monde,
Fût dominé par le fer des tyrans,
La Liberté, fuyant leur souffle immonde,
Près d'Éleusis retint ses pas errans.
Buvant l'oubli de sa gloire flétrie,
Plus d'un héros, du sort persécuté,
Dans son exil a répété :
Honneur à la Maçonnerie !

De ta lumière a brillé Pythagore:
Il te devait son merveilleux savoir,
Platon, Virgile, Ovide, Anaxagore
Ont proclamé ton céleste pouvoir.
De Constantin l'ardeur en vain te prie,
Tu l'éloignas comme l'affreux Néron ;
Tu reçus le grand Cicéron :
Honneur à la Maçonnerie !

Dans les déserts où sommeille Palmyre,
Sous tes drapeaux, de nobles chevaliers,
Preux vagabonds que l'univers admire,
Ont signalé leurs vaillans boucliers ;
Et dans ces temps de noire barbarie,
Où la Justice implorait un support,
L'opprimé criait dans le port :
Honneur à la Maçonnerie !

Mais pourquoi donc de ces âges antiques
Interroger les exemples touchans,
Quand, parmi nous, mille faits authentiques
Demandent part aux tributs de nos chants ?
Ce prisonnier qui, loin de sa patrie,
Porta les fers de la captivité,
Te dut cent fois la liberté :
Honneur à la Maçonnerie !

Rappelons-nous ce barde octogénaire (1)
Dont tant de rois briguèrent l'amitié;
Fuyant des cours la tourbe mercenaire,
Des vrais maçons il connut la pitié:
Elle enflamma ta sublime industrie (2),
Toi, qui ravis la foudre aux mains des Dieux,
Aux tyrans leur sceptre odieux :
Honneur a la Maçonnerie !

Voyez Howard, du pôle à la Torride (3),
Dans les prisons secourant le malheur,
Près d'expirer aux champs de la Tauride,
D'un dernier mot consoler la douleur!
Voyez encor d'une vierge attendrie,
Voyez Marceau raffermissant les pas (4),
Dérober ses jours au trépas !
Honneur à la Maçonnerie !

Maçonnerie, aimable souveraine,
Sœur des vertus, de l'ordre et de la paix,
Toi, dont l'essor vers le bien nous entraîne,
Viens de ta force emplir nos rangs épais ;
De tes faveurs que notre ame nourrie
S'éclaire au feu de ton divin flambeau,
Et dise encor, près du tombeau :
Honneur à la Maçonnerie !

Albert Montémont, 30° degré.

(1) Voltaire, à 84 ans, reçut l'initiation maçonnique dans la loge des Neufs-Sœurs, à l'Orient de Paris.
(2) Franklin, zélé Franc-Maçon, était affilié à la même loge.
(3) Le célèbre médecin philanthrope Howard.
(4) Le général Marceau.

LA MAÇONNERIE.

Air : De la Colonne.

MAÇONNERIE ! ô reine de la terre !
Toi dont les pas sont marqués de bienfaits !
Toi qui pour guide as choisi le mystère,
Cachant toujours les heureux que tu fais. (bis.)
Du monde envain l'esclave te décrie,
Tes fils, liés par des sermens vainqueurs,
Elèvent ce cri de leurs cœurs :
Honneur à la Maçonnerie ! (bis.)

A l'Orient nous devons ta naissance,
Tout l'Orient fut soumis à tes lois ;
Les Pharaons vénéraient ta puissance,
Et le Jourdain a béni tes exploits.
Bientôt la Grèce à ta source chérie
S'est abreuvée aux antres d'Eleusis ;
Là chantaient les enfans d'Isis
Honneur à la Maçonnerie !

Quand le Romain, ce fier vainqueur du monde,
Tomba vaincu sous le joug des tyrans,
La liberté, fuyant leur souffle immonde,
Dans Eleusis retint ses pas errans.
Bravant l'oubli de sa gloire flétrie,
Plus d'un héros du sort persécuté,
Proscrit, a souvent répété :
Honneur à la Maçonnerie !

De ta lumière éclatait Pythagore,
Il te devait son merveilleux savoir ;
Platon, Virgile
et Marc-Aurèle encore
Ont proclamé ton céleste pouvoir.
De Constantin l'ardeur envain te prie :
« Fuis, lui dis-tu, comme l'affreux Néron. »
Tu reçus le grand Cicéron :
Honneur à la Maçonnerie !

Dans les déserts où sommeille Palmyre,
Sous tes drapeaux de nobles chevaliers,
Preux vagabonds que l'univers admire,
Ont signalé leurs vaillans boucliers ;
Et dans ces temps
qu'a vus la barbarie,
l'équité n'avait plus de support,
L'opprimé criait dans le port :
Honneur à la Maçonnerie !

Mais pourquoi donc de ces âges antiques
Interroger les exemples touchans,
Quand près de nous mille faits authentiques
Demandent part au tribut de nos chants ?
Ce prisonnier qui, loin de sa patrie,
Porta les fers de la captivité,
Te dut cent fois la liberté :
Honneur à la Maçonnerie !

 

 

 

 

 

 

 

 

Maçonnerie, aimable souveraine,
Sœur des vertus, de l'ordre et de la paix,
Toi dont
l'accent vers le bien nous entraîne,
Viens
ranimer, grossir nos rangs épais ;
De tes faveurs que notre ame nourrie,
En s'allumant à ton divin flambeau,
Redise encor, près du tombeau :
Honneur à la Maçonnerie !

Albert-Montémont.

 

 

Parmi les 4 personnages historiques spécifiés par Montémont en note de bas de page, les deux premiers, Voltaire et Franklin, sont suffisamment connus pour qu'il ne soit pas nécessaire de les commenter ici.

John Howard (1726-1790) est effectivement un philanthrope, mais il n'était pas médecin. Son oeuvre de dénonciation des conditions carcérales est encore étudiée aujourd'hui. Il est mort du typhus en Ukraine (la Tauride est le nom ancien de la Crimée, qui est une partie de l'Ukraine), où il s'était rendu pour se rendre compte sur place de la condition des détenus dans l'Europe orientale.

Quant au général Marceau (1769-1796), Montémont fait sans aucun doute allusion au fait qu'en 1793, après avoir gagné la bataille du Mans, il fut accusé d'avoir sauvé une jeune royaliste, Angélique des Mesliers, ce qui lui valut de sérieux ennuis.

On retrouve la même chanson dans le n° 2 (février 1855) des Esquisses de la vie maçonnique suisse (pp. 21-3), mais amputée de ses couplets 4 et 6 et de ses notes, et avec quelques corrections de forme (par exemple Mais pourquoi donc de ces âges antiques devient Mais pourquoi jusqu'à ces âges antiques).

Albert MONTEMONT

Albert MONTEMONT (1788-1861) naît à Rupt sur Moselle (88), où une place porte encore son nom. Sous l'Empire, il est fonctionnaire ; révoqué à la Restauration, il s'installe en Angleterre comme précepteur. Il revient à Paris en 1830 et rentre dans l'administration, qu'il ne quittera plus.

Mais il est également membre de diverses sociétés savantes, notamment la société de Géographie, dont le Président est son ami DUMONT D'URVILLE qui donne le nom de MONTEMONT à des îles de Papouasie découvertes lors de son troisième voyage autour du monde.

En 1837, il participa à la reconstitution du Caveau, dont il devint le Président en 1846. En 1845, l'ouvrage Paris chantant a publié (pp. 99-102) sa notice sur l'histoire de cette Société.

C'est lui qui composa l'hymne dénommé La Vosgienne.

Polygraphe, il écrivit notamment une Histoire Universelle des Voyages en 51 volumes et traduisit Walter Scott et Horace. Il produisit également 11 volumes de Poésies et Chansons.

Sur le plan politique, ce n'est pas un progressiste : en 1852, il se ralliera au coup d'Etat du futur Napoléon III et lui dédiera même une ode où l'on peut lire :

Honneur à ta foudre rapide,
Neveu du Grand Napoléon,
Honneur à l'armée intrépide,
Soutien de ton fier pavillon.
Cette hydre du socialisme
Qu'annonçait le radicalisme
Ne menace plus l'avenir :
Encore un jour ou deux de crise
Et d'une immortelle entreprise
Sera fixé le souvenir.

C'était d'ailleurs un Ecossais très militant, ayant atteint en 1854 le 32e degré. On le trouve mentionné à ce titre, à plusieurs reprises,  dans le Globe en 1841, notamment aux pages 36, 48, 50, 84, 98 (où il est mentionné qu'il a été radié par le comité central parce qu'il appartenait aussi au Suprême Conseil de France), 293, 294.

On lit (p. 8), au Procès-Verbal de la Fête de l'Ordre et Installation du Très Puissant Lieutenant Grand Commandeur Comte de Fernig, en date du 29 juin 1841, au Suprême Conseil, pour la France et ses dépendances, des Puissants Souverains Grands Inspecteurs Généraux, Protecteurs, Chefs et vrais Conservateurs de l'Ordre, 33e et dernier degré du Rit Ecossais Ancien Accepté (où il est également mentionné, p. 46, qu'avec Rétif De La Bretonne il a ajouté un charme de plus à la solennité en récitant des strophes de sa composition) que ce jour-là il fut élevé au 31e degré :

l'Illustre et Parfait Frère Albert Montémont, homme de lettres, né à Remiremont (Vosges), le 20 août 1788, demeurant à Paris, rue Croix-des-Petits-Champs, 27, dûment préparé et examiné, est admis à recevoir l'instruction des Grands Juges Commandeurs, et prononce le serment de ce haut degré.

Il était aussi à ce moment député de la Loge des Arts Réunis à l'Orient de La Rochelle. 

C'est lui qui avait prononcé l'éloge funèbre de La Fayette, de Settier et du Maréchal Mortier, le 23 Janvier 1836, à la Grande Loge Centrale de Paris.

 

Nous avons trouvé (p. 272) dans l'Histoire de la franc-maçonnerie en France d'Achille Ricker et Jean-André Faucher, dans le chapitre concernant le début des années 1820, le texte suivant :

Le Frère Albert Montémont , né le 20 août 1788 à Rupt-sur-Moselle, initié par La Réunion de Besançon, fonctionnaire des Droits réunis, révoqué en raison de ses opinions libérales, exilé en Ecosse sous l'Empire fonde à Paris avec les Frères Rouyer, Sigaux, Orsat, Vuillaume et Gillet, la Loge des Amis de la Vérité qui initie frauduleusement de nombreux affiliés du Carbonarisme.

Le même ouvrage ajoute (p. 279) qu'après la suspension des Amis de la Vérité par le Grand Orient Montémont s'affilia aux Trinosophes et (p. 280) qu'en 1828 il était membre des Chevaliers de la Croix (en 1840, il y était Orateur, comme on peut le voir à une page du Globe).

Certaines de ces informations sont en partie contradictoires avec celles données plus haut et qui résultent d'archives familiales. 

Nous n'avons d'ailleurs trouvé aucune mention de Montémont en rapport avec les Amis de la Vérité

Nous avons cependant estimé utile de mentionner cette source, qui fait référence à un article (que nous n'avons pas encore eu l'occasion de consulter : si un de nos lecteurs le détient, nous lui serions très reconnaissant de nous en communiquer la teneur) de la Chaîne d'Union en mai 1961.

 

Citons également le commentaire plutôt féroce de Brismontier en 1826 dans le dictionnaire des gens de lettre vivants (p. 187) :

MONTÉMONT(ALBERT de). C'est un terrible homme que M. de Montémont ; outre qu'il fait suivre son nom d'une liste énorme de tous ses titres à la considération publique, tels que membre de l'Académie des arts, etc., etc., il a soin de développer, à la suite de son nom et dans chacun de ses ouvrages,tous ceux qui les ont précédés. Précepteur des enfants de M. Boode, gentilhomme anglais, il trouvele moyen, à travers les soins qu'il donne à leur éducation, de composer force vers et de traduire avec plus d'héroïsme encore.

Un voyage qu'il fit en Italie, avec la famille que nous venons de nommer, lui donna l'idée d'enregistrer ses remarques.Ce récit laisse bien des choses à désirer : mais pour ne point avoir à lui faire de reproches, nous supposerons que M. le précepteur, caché dans le fond d'une excellente berline, n'aura que de temps en temps aperçu les sites de ce beau pays. Des Lettres sur l'Astronomie ont été son second ouvrage : à l'exemple de Demoustier, il a voulu jeter des vers à travers sa prose; mais peut-on appeler vers les rimes de M. de Montémont ? Les plaisirs de l'espérance, traduits de Campbell, sont le plus récent factum qu'il vienne de livrer au public : puissent-ils faire espérer aux lecteurs de trouver un jour un poète dans M. Albert de Montémont !

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