L'enfant de la Veuve

Cliquez ici pour entendre l'air de la colonne, dans une version empruntée à une page du site du Collège Henri Dunant à Rueil-Malmaison

Nous avons trouvé cette chanson aux pp. 156-7 de l'ouvrage (paru à Bruxelles en 1825) CHANSONS NOUVELLES PAR P. J. DE BÉRANGER, suivies d'un supplément composé des chansons de Mm. Jouy, Magalon, Gillé, Bast, Julien, Pradel, Navarrot et Lagarde, extraites du petit recueil récemment publié, intitulé La Marotte de Ste-Pélagie, ou Momus en Prison

C'est de ce supplément (dont le titre fait allusion aux emprisonnements de Béranger) que la chanson est extraite : elle n'est donc pas de Béranger (qui d'ailleurs n'a jamais rien eu à voir avec la maçonnerie).

La chanson est manifestement d'inspiration maçonnique ; le titre n'est qu'un indice dans ce sens, mais les références au triple feu dans les canons et au denier de la veuve l'établissent sans qu'aucun doute soit possible.

Encore faudrait-il découvrir quel fantasque bohême, appartenant sans doute à l'entourage de Béranger, s'appelait  Gustave de L........ ?

Nous n'avons pu encore retrouver une partition de l'air de la Colonne, pourtant utilisé par d'autres à l'époque. Merci à qui pourrait nous en dire plus à son sujet.

L'ENFANT DE LA VEUVE.

 

COUPLETS CHANTÉS DANS UN BANQUET DONNÉ CHEZ L'AUTEUR, A LA SUITE D'UNE FAVEUR INATTENDUE DE LA FORTUNE.

 

Air : De la Colonne.

 

De la fortune un léger tour de roue
Nous réunit au banquet d'amitié ;
Cette faveur, mes amis, je l'avoue,
Dans mon bonheur est pour plus de moitié. (bis.)
Depuis long-temps, soumis à mainte épreuve,
Mon cœur souffrant en gémissait tout bas ;
Mais je disais : Non, je ne mourrai pas,
Je suis un enfant de la veuve. (ter.)

Fi de celui que l'avarice ronge,
Qui, cousu d'or, craint de mourir de faim !
Pour nous, amis, la vie est un vain songe ;
Souvent un jour n'a point de lendemain.
Sans nul souci nous voguons sur le fleuve,
Nous confiant aux rames du destin ;
L'une se brise, et l'autre, un beau matin,
Sauve les enfans de la veuve

Narguant des sots la critique importune,
Il faut ici, pour le coup du milieu,
Tous à la ronde offrir à la fortune
Un toast brillant, faire feu, triple feu.
Dans vos canons, amis, que le vin pleuve.
Versez, versez, et buvons à longs traits ;
Vous le voyez, on ne périt jamais,
Lorsqu'on est enfant de la veuve.

Armons nos cœurs de la philosophie,
C'est un trésor urgent pour l'avenir ;
Par les chagrins n'affligeons pas la vie,
A mon avis, c'est mille fois mourir.
De ma prudence A.... offre la preuve :
Ne saurait-il même comment diner,
L'espoir toujours vient chez lui couronner
Le front de l'enfant de la veuve.

En attendant que l'infernale Parque
Ait contre nous dirigé sa fureur,
Au gré des vents laissons flotter la barque ;
Avec courage essuyons le malheur.
Mais à sa voix que notre âme s'émeuve :
Qu'aucun de nous n'arrive le dernier,
Quand il pourra calmer par le denier
Les cris de l'enfant de la veuve.

M. Gustave de L........

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