L'Ordre
des Priseurs
 
  
  
    
      | Un usage maçonnique
du tabac ?  Frères et Compagnons De la Maçonnerie,
 Sans chagrin jouissons
 Des  plaisirs de la vie
 Les lecteurs de Tintin connaissent bien les Indiens
Arumbayas, si habiles à nous casser les oreilles. Mais il existe en Amazonie d’autres tribus tout aussi intéressantes ; par exemple, les Indiens
 Tupinamba accordent au tabac diverses propriétés, en particulier celles d’éclaircir l’intelligence et de maintenir ceux qui en font usage gaillards et joyeux,
opinion que partagent sans doute ces francs-maçons qui sont encore nombreux à
considérer le tabac comme un des
 plaisirs de la vie.   Nouveau Panoramix, le magicien qui, dans cette tribu, prépare les guerriers au combat, prononce, en soufflant sur eux de la fumée de tabac, ces mots magiques :
 afin que vous surpassiez vos ennemis, recevez l’esprit de force. Même si, quand
tout va bien, on n’a pas d’ennemis à surpasser en Loge, on y a bien besoin de l’esprit de
force, tout autant que de l’esprit de beauté et de l’esprit de sagesse. S'il était au
XVIIIe siècle bien accueilli en loge, le fumeur n’a plus bonne
presse nulle part, même dans les loges, et il faudra peut-être bientôt envisager
(renonçant à rassembler ce qui est épars) de partager, comme dans les restaurants,
les  salles humides en compartiments fumeurs et non-fumeurs, ainsi qu’à réserver une des Colonnes des tables de Banquets aux fumeurs et à ceux qui les tolèrent. Ce sera sans doute celle qui est associée au Soleil et donc à l’élément
Feu. Cependant, pour éviter de telles divisions, il existe peut-être une autre manière de
 rassembler ce qui est épars  : ce serait de ressusciter une société qui a connu de beaux jours, et qui permet de pétuner sans enfumer ni polluer.
Ce qui est bien le cas de l'Ordre des Priseurs. Rendons donc hommage à ces Frères Quatre-Points qui cultivaient à leur manière les plaisirs de la
vie. Mais il serait imprudent de tirer en leur honneur une Santé, puisque, comme chacun le sait depuis que c’est écrit sur les paquets de cigarettes, la santé et le tabac ne font pas bon ménage
… | 
  
 
        L'Ordre
        des Priseurs (O:: des Pr::) est une société para-maçonnique très
        confidentielle et élitiste, datant des années 1820, qui ne comptait
        que 21 membres. 
         L'ensemble des règlements (10 volumes) et rituels (17
        volumes) de cette société, manuscrits mais richement reliés, datant
        de 1828, a été mis en vente à Paris en 2003, pour la modique somme
        de 48.000 Euros.
        
          
            | 
 | Les  devoirs du vrai Priseur
              y sont décrits comme suit : 
Pratiquer les vertus domestiques & sociales, passer sa vie au sein de l’amitié et du travail, tel est l’état d’un vrai priseur. Modeste et patient, il doit se faire gloire de cultiver la plante par
excellence ; et libre des préjugés vulgaires, il doit chérir son obscurité. Modestie, obscurité, tels sont les principes de l’association tabacologique. Amour du travail, zèle et
persévérance ; voilà les signes caractéristiques de tous les véritables enfants du G:: M::. Priseurs ! Soyons dignes de ce beau titre ! | 
        
Les 21 membres étaient
surtout de  grosses têtes de la Franc-maçonnerie, notamment :
  - 
     Jean-Marie Ragon, considéré par ses contemporains comme
     le franc-maçon le plus instruit du XIXe siècle ; il est l'auteur de nombreux ouvrages maçonniques
    souvent …  fumeux 
- 
     Claude-André Vuillaume,
    auteur d'un célèbre  Tuileur 
- 
     Fabré-Palaprat, Grand Maître autoproclamé de l’Ordre du
    Temple, qui fit fastueusement célébrer à Paris en 1808 l’anniversaire de la mort de Jacques de
    Molay 
- 
    Bailly,
    Officier du Grand Orient 
- 
    Mangourit,
    Officier du Grand Orient 
- 
    Nicolas Des
    Etangs,  19 fois Vénérable des Trinosophes
   
- 
    Bazot,
    auteur  d'un Manuel
du Franc-Maçon. 
Cette Société, très en vogue aux premières années de la Restauration, était composée à l’image de beaucoup de sociétés secrètes et en particulier de la Franc-maçonnerie, avec une hiérarchie très importante et un cérémonial très rigide. Elle avait également un langage codé ainsi que des symboles ésotériques comme les quatre points ...
Le calendrier (qui
semble propre à la Société) s'exprimait en jours (Selene, Hares, Hermes, Zeus, Aphrodite, Chronos,
Helios), en mois (Anionis, Apidis, Herculeo-Apollineum, Hermanubis, Momphta, Isidis, Omplita, Typhonis, Arueris, Sothiacum, Canobicum, lchthonicum)
et années (= année civile + 600 : c'est l'année de l'ère pednosophique,
qui a précédé de 600 ans notre ère vulgaire)
On y traitait des
questions telles que Quelle est l'influence des Sociétés secrètes sur le
bien-être du peuple ?
        L'Ordre (dit  la grande manufacture de France, siégeant à
        Paris) comportait quatre grades, chacun divisé en classes. Le premier
        était consacré à l’étude de la nature et des vertus sous le titre des
        priseurs. Le second était le  grade des Torqueurs. 
        Les fonctions
        comprenaient, outre des termes relativement classiques (F:: Surveillant, Maître des Cérémonies),
        des termes tels que : Directeur d’une manufacture - Garde Magasin d’une manufacture 
        – Chef de Culture - Chef d’Instruction. 
La Société
reconnaissait ses origines dans l’Institut de Pythagore, Institut établi afin de propager les connaissances, de conserver la vérité, et de réunir en un faisceau tous les amis du bien. 
C’est sans doute pourquoi, comme à la
  Stricte Observance Templière, les membres étaient gratifiés de surnoms, mais avec une référence,
plutôt que chevaleresque, à la sagesse antique, tels que Xénophile, Eudoxe, Hippocrate, Alcée, Solon, Cratès,
        Euclide, Archimède, Plutarque, Théocrite, Lisius (Ragon), Bias,
        Lycurgue, Socrate, Protagoras (Vuillaume).
Dans la même veine hellénisante, les membres s’affublaient de titres tels que : hiérodidascale, protodidascale, archimistagogue, protomistagogue, graphistère, achiargirognome.
  
  
    
      | selon
        Ragon A la p. 340
    de son Tuileur général de la francmaçonnerie
    ou Manuel de l'initié (1861), Ragon
    mentionne :
         Tabacologique, ou des Priseurs, XVIIIe siècle  parmi une liste de  34 ORDRES DITS MAÇONNIQUES. et il ajoute
      en note : 
        
           Maçonnerie curieuse et savante, composée de quatre grades, où est enseignée la doctrine de Pythagore. Son nom lui vient du tabac, plante symbolique, dont la culture et la manipulation sert de voile ingénieux à ses allégories instructives, dont nous possédons les cahiers.
          Nous en avons fait paraître une notice historique, sous le titre de
          Pednosophes (Enfants de la sagesse), suivie de  la Tabacologie, dernier voile de la doctrine
          pythagoricienne, dans le n° 12, avril 1859, du journal  le Monde maçonnique. 
        
        
          
            | Un
              roman-feuilleton Nous avons pu
              consulter cet article, dont le titre réel est : Notice
              historique sur les Pednosophes (Enfants de la sagesse) et sur la
              Tabacologie, dernier voile de la doctrine pythagoricienne. Il
              ne fait que raconter longuement (19 pages !) une histoire
              absolument mythique de la société des Pednosophes, qui commence
              par : 
                
                  Dans les
                  beaux siècles de la Grèce et de Rome, la philosophie,
                  accompagnée des sciences et des arts, dont elle encourageait
                  les travaux, était en grand honneur ; basée sur la vérité,
                  étrangère aux rêveries scolastiques qui, depuis, l'ont défigurée,
                  elle attirait les esprits par la raison, elle répandait
                  partout la lumière et perfectionnait la société. Mais il
                  arriva une époque, aussi désastreuse pour l'empire romain
                  que pour les sciences, où des fanatiques, s'emparant du
                  pouvoir, persécutèrent et la philosophie et les philosophes. Selon Ragon,
              persécutés par Justinien
              et son épouse Théodora
              (qui voulait se venger de n'avoir pu percer leurs secrets), les
              descendants de l'école célèbre de Pythagore, dont les sociétés
              philosophiques secrètes parvenues jusqu'à nous, et la Francmaçonnerie
              elle-même, porteront toujours l'empreinte ineffaçable de sagesse,
              se réfugièrent en Perse en 531, et de là à Athènes où ils
              se formèrent en société sous le nom de Pednosophes (du grec païs,
              païdos, enfant ; sophia, sagesse), Enfants de la
              sagesse. Ragon décrit avec force détails le fonctionnement
              de cette société, mixte dans ses débuts, et ses tribulations à
              travers le monde et l'histoire, au rythme des persécutions et de
              phases de décadence et de résurrection. C'est à Londres au
              XVIIe siècle qu'on commença à désigner la saine philosophie
              par le Tabacum à fleurs rouges et que l'histoire du
              tabac devint le symbole de l'ancienne philosophie : 
                
                  La Tabacologie
                  composa donc les quatre sections de la nouvelle académie fondée
                  en Angleterre par les pednosophes. On les désigna alors sous
                  le nom de Snuf-takers (priseurs). Ils adoptèrent le
                  tablier triangulaire, qui devint la décoration de toutes les
                  classes de l'Ordre. Mais les troubles
              en Angleterre amenèrent la cassette renfermant tous les
              documents de l'ordre entre les mains de H. F. Desherbiers,
              marquis de l'Etanduère (ce personnage est historique,
              mais son fils unique est mort en 1749, un an avant lui) puis de
              son fils aîné, qui, partant à la guerre, la confie à son ami
              M. Doussin, avec mission de la garder jusqu'à son retour, ou d'en
              faire bon usage s'il disparaît. En 1806, celui-ci, établi à
              Poitiers, initie partiellement quelques élèves en 1806 puis
              confie les documents à un certain Degennes, qui met 10 ans à en
              comprendre l'interprétation. En 1814, Doussin
              initie J. M. Richard, Orateur au Grand Orient, et le fait directeur
              suprême de la grande manufacture métropolitaine de France.
              C'est lui qui initia notamment Ragon, mais à son décès les
              Priseurs se dispersèrent. Il en subsistait quelques-uns à
              Poitiers en 1848, mais inactifs. |  selon
        Dinaux Dans son ouvrage
        (posthume, paru en 1867) Les Sociétés badines, bachiques, littéraires et
        chantantes,  leur histoire et leurs travaux,
         Arthur Dinaux
        consacrait à cette société secrète une
        notice (tome 2, pp. 153-5)
        dont on trouvera ci-dessous quelques extraits : 
        La vraie
         Société des Priseurs est un Ordre distingué, qui compte peu d'adeptes d'élite et qui est fort peu connu des profanes. Dans cette association, un groupe de fidèles réunis pour travailler se nomme une
        manufacture ;  la manufacture est consacrée, non pas, comme on le croirait, à faire vivre le monopole des tabacs et les droits réunis, mais bien à
         l’étude de la nature et des vertus ... Dans la manufacture, il y a plusieurs grades, et dans les grades, on compte différentes classes. Le
        hangar, une des parties de la manufacture, a les piocheurs, les
        semeurs, les  récolteurs. Puis viennent les trieurs, les
          écoteurs, les torqueurs, etc. La
         manufacture a pour chefs les  directeur et sous-directeur. Le
        garde-magasin, le  maître des cérémonies, le  chef des cultures et le
         surveillant sont les autres autorités qui dominent dans la congrégation. Des statuts règlent l'office et les fonctions de chacun. Le cérémonial obligé n'est qu'une longue allégorie tabacologique poussée à l'extrême. Un serment liait tous les membres de la société. Les réceptions avaient lieu solennellement, à la suite de présentations, et se terminaient par des remerciements d'admission exprimés séance tenante. Enfin l'ordre se livrait à des travaux sérieux et philosophiques qui ont attiré l'attention des amateurs de ces sortes de mystères. Peut-être la politique, se cachant sous le voile de l'allégorie, n'est-elle pas restée étrangère à cette association.
        […] La Société des Priseurs était en pleine splendeur dans les années 1818 et
        1819 ; on en a peu entendu parler après cette époque.  | 
  
 
        Une de nos
        sources pour cette page est l'article publié (pp.  168-188)
        par Ars Quatuor Coronatorum dans son vol. 28
        (1915).

André Lerouge
(1766-1833), lui-même membre de la Société, était un collectionneur de livres sur la Franc-maçonnerie et les
sociétés secrètes, dont la monumentale bibliothèque a été dispersée en
vente publique en 1835. Au catalogue
de cette vente, on trouvait
:
  
  
    
      |  
  
 | 511. Société des Priseurs : manufacture consacrée à l'étude de la nature et des vertus; 25 cahiers gr. in-4, fig. color., renfermés dans deux étuis.  Recueil manuscrit, entièrement exécuté par M. Lerouge, et divisé comme il
suit : 
          
            Statuts généraux
            ;
            1er Grade, 1eres Instructions du Hangar, 3 classes : Piocheurs, Semeurs, Récolteurs
            ;
            Trieurs
            ;
            Manuel tabacologique :
            Calendriers ; Réception d'un F. fidèle ;
            Allégorie tabacologique : Dictionnaire des
            Priseurs ; Serment des Ecoteurs ;
            Manuel du Directeur d'une manufacture : Réceptions,
            Discours ;
            Manuel du sous-Directeur ;
            Manuel du Garde
            magasin ;
            Guide du F.
            Surveillant ;
            Guide du maître des Cérémonies et du chef des
            Cultures ;
            Manuel du
            Priseur : Formules diverses ; Signes abréviatifs ; Table des
            cahiers ;
            Manuel des Torqueurs : Instruction sur le Cérémonial
            ; suite de l'Allégorie tabacologique ; Serment des Torqueurs ;
            Précis historique de la Société
            ; Statuts des manuf. de 3e classe, etc. Formules de divers actes ; sceaux des
            Torqueurs ; suite du Dictionnaire des Priseurs ;
            3e
            Grade ; Statuts ; Formules de certificats et diplomes ; Rituel ;
            Serment ; Mystères ; Dictionnaire ; Signes, paroles et attouchemens
            ;
            Suite des précédens
            ; Symboles ;
            Suite des précéd. ; Noms particuliers et
            explication ; Alphabet cryptographique ;
            Suite, Histoire de l'Ordre des
            Priseurs ; Explication de quelques signes ;
            4e Grade divisé en 3 classes ; Préliminaires ; 
            Rituel ; Histoire de l'Ordre des
            Priseurs ;
            Pièces
            diverses ;
            Diplomes originaux, etc. -
            Notes
            diverses ; 
            Lettres d'Eudoxe à Socrate, Plutarque, Protagoras , etc. | 
  
  
 

Nous ne
connaissons pas de chanson propre à l'Ordre des Priseurs, mais nous pouvons lui
dédier cette amusante chanson sur l'usage
du tabac en Loge, tirée du recueil de Holtrop et
qui se chante précisément sur  l'air Contre les chagrins de
la vie qui est aussi celui de la pipe de  tabac.

  
  
    
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