Pompe funèbre pour le duc de Berry

L'assassinat en 1820 du Duc de Berry fut un séisme, qui causa  le triomphe des ultras (royalistes nostalgiques de l'Ancien Régime) et la fin de la carrière politique du libéral Decazes, que ceux-ci avaient saisi l'occasion de mettre en cause.

Nous ne disposons pas d'un original du procès-verbal de la Fête funèbre célébrée (NDLR : le 24 mars 1820) par le Grand Orient de France, comme chef d'Ordre de la Maçonnerie en mémoire de S. A. R. le Très Illustre et Sérénissime Frère Duc de Berry, fils de France, etc., régulièrement convoqué et fraternellement réuni, sous le point géométrique connu des seuls vrais Frères, dans un lieu très éclairé, très régulier et très fort, où régnent le silence, la paix et l'équité, midi plein

Mais nous n'avons pas de raison de douter de l'authenticité des extraits qui en sont donnés (pp. 224-8) par Abel Clarin de La Rive dans son ouvrage antimaçonnique La femme et l'enfant dans la franc-maconnerie universelle.

Berry Grand Maître ?

Le maréchal de Beurnonville avait formé, et présenté à Louis XVIII, le projet de porter le duc (membre de la Loge La Trinité) à la Grande Maîtrise, mais il ne semble pas prouvé que ce projet ait été formellement accepté. Cela n'empêcha pas le Grand Orient de s'en prévaloir.

Dans son Histoire pittoresque de la franc-maçonnerie et des sociétés secrètes, Bègue-Clavel écrit en 1844 (p. 287) :

Pendant la restauration, le Grand-Orient, n'osant espérer une reconnaissance officielle, s'efforça du moins d'obtenir l'acceptation de la grande-maîtrise par un prince du sang. On pressentit à cet égard Louis XVIII, qui avait été reçu maçon à Versailles avec son frère le comte d'Artois, quelques années avant la révolution de 1789. Il ne manifesta aucune répugnance personnelle ; mais il objecta que la franc-maçonnerie était vue de mauvais œil par la Sainte-Alliance, qu'il fallait craindre, et par le clergé français, qu'il était prudent de ménager ; que, dans cet état de choses, il y aurait de l'inconvénient à donner à la maçonnerie une approbation formelle ; que le gouvernement ne l'inquiétait pas, et que cela devait lui suffire pour le moment ; qu'au reste elle formait un contre-poids utile qu'on avait intérêt à conserver ; et que cette considération était assez puissante pour dissiper les craintes qu'elle pourrait concevoir pour l'avenir. Cette réponse ne satisfit pas le frère à qui elle était faite. Quelque temps après, il s'adressa directement au duc de Berri, et lui offrit la grande-maîtrise. On n'a jamais su précisément quelle détermination prit le duc dans cette circonstance. Ce qu'il y a de positif, c'est que depuis il fut généralement considéré comme grand-maître de la maçonnerie française. Le Grand-Orient parut même l'avouer pour chef en célébrant ses obsèques maçonniques avec une pompe extraordinaire.

Et on lit dans l'Oraison funèbre écrite par le Frère Langlacé et prononcée par le Frère Borie à la Fête funèbre ci-dessus :

Il était appelé par les voeux de tous les Maçons à la GRANDE-MAÎTRISE de cet ordre révéré, qui voué spécialement à l'exercice de toutes les vertus, devait voir à sa tête celui qui savait si bien les pratiquer. Quel bonheur pour la Maçonnerie si elle avait pu se livrer à ses travaux sous un tel Maître ! ... IL Y AVAIT CONSENTI ; et quelles jouissances son coeur eût trouvé au milieu de nous ! ... Vains souhaits, regrets inutiles ! la mort a détruit toutes nos espérances et répandu le deuil sur toute la Maçonnerie ! Ah ! pour juger combien le coeur de ce Prince était plein des vertus maçonniques, voyez avec quel zèle il suivait les préceptes de notre loi.

On y lit notamment que :

et l'on trouve l'extrait suivant de cette cantate (dont nous n'avons pas trouvé trace de la partition) :

CANTATE SUR LA MORT DU DUC DE BERRY.

Choeur.

Mânes sacrés d'une illustre victime,
Tous les Maçons vous baignent de leurs pleurs ;
De leurs sanglots, l'accord trop légitime,
Exprime seul leurs profondes douleurs.

Récitatif.

Auguste rejeton d'une race chérie,
Toi qui fis notre espoir, toi qui fis notre orgueil
Faut-il déjà te voir sur ta tige flétrie
Pencher ta jeune tète et descendre au cercueil !

L'existence de la médaille ci-contre donne à penser qu'une pompe funèbre ayant même objet avait déjà eu lieu le 8 mars à la Loge des Admirateurs de l'Univers.

Ce fut le cas également dans d'autres Loges, par exemple le 11 avril à la Loge parisienne des Amis Bienfaisants.

 

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