La grande République (Bruxelles, 1798)

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Cette chanson est une des très nombreuses qui ont été interprétées lors de l'inauguration de la Loge bruxelloise des Amis Philanthropes, le 1er décembre 1798.

Il s'agit, selon la Planche tracée de cette inauguration (p. 29), d'une hymne composée par le Frère Bidault (ndlr : qui est également l'auteur de 2 autres chansons le même jour, celle-ci et celle-là) en l'honneur de la République, sur l'air du chant du départ et chantée par le Frère Estagnier après la 1ère santé (celle de la République française et de la prospérité de l'état).

La même chanson se retrouvera, l'année suivante, au cours d'une fête à Saint-Brieuc mais, curieusement, avec un autre nom d'auteur.

Célébrons, dans nos chants, la grande République 

Qui nous donne protection :

Quel honneur rejaillit sur l'ordre Maçonnique

De cette auguste adoption !

Sous le règne du despotisme

Nous connaissions la Liberté ; 

Exempts d'erreurs, de fanatisme, 

Nous cultivions l'égalité ;

Maçons, nos principes sublimes 

Se propagent dans l'Univers,

Les Peuples, avec nos Maximes, 

Pour jamais briseront leurs fers. 

Sous la protection de la République ?

On notera particulièrement l'allusion à la protection qui serait accordée à la maçonnerie par la République, laquelle l'aurait adoptée.

L'inscription sous la protection de la République Française figure d'ailleurs en tête du Tracé :

et, selon la description du temple (p. 40), la même inscription se retrouve aux murs du bâtiment.

La maçonnerie se trouvait-elle effectivement à cette époque sous la protection de la République ? Nous n'avons connaissance d'aucun document qui officialise ou même indique une telle protection. 

Dans le Tome I de son Histoire de la Franc-maçonnerie française (Fayard, 1974), Pierre Chevallier indique d'ailleurs bien (p. 378) qu'on pouvait au mieux parler de tolérance plutôt que de protection :

... au commissaire près le département du Nord qui lui demande s'il peut tolérer les réunions maçonniques à Lille, le ministre de la police générale Le Carlier répond le 28 septembre 1798 : « J'observe que le premier des droits de l'homme en société est la liberté : que la liberté consiste à faire ce qui ne nuit pas à autrui, et que ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut pas être empêché.

« Il résulte de ces principes, consignés dans les art. 1, 2 et 7 de la déclaration des Droits de l'Homme, que les sociétés des Francs-Maçons, qui d'ailleurs n'ont été prohibées par aucune loi, peuvent se réunir librement, pourvu néanmoins qu'elles ne dégénèrent pas dans des associations contraires à l'ordre public ... Pour obvier à ces abus, il est convenable que les sociétés dont il s'agit déclarent au magistrat de la police le lieu de leur réunion, qu'elles soient constamment sous sa surveillance, qu'il puisse pénétrer dans leur enceinte quand il le juge à propos, et les faire fermer lorsqu'il le croira nécessaire, sauf à en référer à l'autorité supérieure.

« D'après ces explications, que je vous recommande de ne pas perdre de vue, je vous autorise à tolérer les Loges de Francs-Maçons ... » 

On peut estimer que la Loge a quelque peu forcé la note en se vantant d'une telle protection ...

Mais il faut noter qu'à la même période une Loge niçoise disait travailler au nom et sous les auspices de la République française et de toutes les Loges Régulières de France.

Par ailleurs, l'esprit de la chanson est résolument triomphaliste et patriote, et rappelle quelque peu celui de la Marseillaise maçonnique de 1792 (C'est parmi vous, c'est dans vos temples / Qu'on vit naître la LIBERTE ; / C'est par vos vertueux exemples / Que l'on connut l'EGALITE. / Nous sommes de la République / Les plus solides Défenseurs / Les maçons portent dans leurs cœurs / Un foyer brûlant et civique.)

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