Pierre JELYOTTE

 A défaut d'une oeuvre de Jelyotte - dont il ne semble pas exister d'enregistrement - vous entendrez, en cliquant ici, un extrait d'un air qu'il a souvent chanté, Séjour de l'éternelle Paix, dans Castor et Pollux de Rameau, ici par Howard Crook accompagné par les Arts Florissants sous la direction de William Christie (CD Harmonia Mundi HMC 901501)

 

 

Pierre JELYOTTE (1713-1797), contreténor, violoniste et compositeur, est originaire de Pau. Après sa formation à Toulouse, où il s'initie à de nombreux instruments, il débute à 20 ans comme chanteur d'opéra à Paris et il sera un des interprètes préférés de Rameau. En 1745, il sera maître de guitare du roi. Sa comédie-ballet Zelixa, ou l'art et la nature est créée en 1746 à Versailles.

Il a chanté au Concert Spirituel, souvent dans ses propres oeuvres. Selon Pierre-François Pinaud (qui l'étudie également dans son ouvrage Les Musiciens francs-maçons au temps de Louis XVI, Véga, 2009) dans son article Les musiciens francs-maçons au service du Roi et de la Cour sous le règne de Louis XVI (in Renaissance traditionnelle, n° 149, janvier 2007), il reste dans les annales comme étant le premier chanteur dans son dialecte, le basque.

Il joua du violoncelle dans l'orchestre du Théâtre des Petits Appartements de Mme de Pompadour, ce qui lui valut comme gratification une boîte d'or d'une valeur supérieure à quinze cents livres.

Jean-Benjamin de Laborde a loué ses talents, en 1760, dans sa Table des auteurs et compositeurs : Personne n’a eu une plus belle voix, n’a su mieux s’en servir et n’a été meilleur musicien que M. Jelyotte.

C'est lui qui créa le rôle de Colin dans le Devin de Village de Rousseau.

Il est signalé en 1737 comme membre d'une des premières Loges parisiennes, Coustos-Villeroy. Les références précitées le donnent aussi, plus tard, comme membre du Patriotisme.

Dans son ouvrage Les ducs sous l’acacia ou les premiers pas de la franc-maçonnerie française 1725-1743 (Libr. Vrin Paris 1964), Pierre Chevallier fait état (pp. 92-3) de bruits ayant couru à Paris en 1740 selon lesquels Jelyotte aurait été victime d'une bastonnade, et commente : Il s'agit sans doute d'une rivalité amoureuse entre le Prince de Conti et Jéliotte et l'on remarquera pour notre propos que le prince du sang, franc-maçon, passe dans l'opinion pour avoir fait bâtonner son confrère de loge, ce qui prouve que l'égalité fraternelle était pour le prince de Conti un voeu pieux.

 ci-dessus : concert chez le prince de Conti (hiver 1763-4); Mozart est au clavecin, et Jelyotte à la guitare.

 ci-contre : portrait de Jelyotte dans le Platée de Rameau, par Charles-Antoine Coypel (Louvre, Paris).

Dans ses Mémoires, Marmontel fait de Jélyotte le portrait suivant : 

Un caractère d'une autre trempe, et aussi aimable à sa manière, était celui de Jélyotte: doux, souriant, amistoux, pour me servir d'un mot de son pays, qui le peint de couleur natale, il portait sur son front la sérénité du bonheur, et en le respirant lui-même il l'inspirait. En effet, si l'on me demande quel est l'homme le plus complètement heureux que j'ai vu en ma vie, je répondrai : c'est Jélyotte. Né dans l'obscurité, et enfant de choeur d'une église de Toulouse dans son adolescence, il était venu de plein vol débuter sur le théâtre de l'Opéra, et il y avait eu les plus brillants succès. Dès ce moment il avait été, et il était encore l'idole du public. On tressaillait de joie dès qu'il paraissait sur scène, on l'écoutait avec l'ivresse du plaisir; et toujours les applaudissements marquaient les repos de sa voix. Cette voix était la plus rare qu'on eût entendue, soit par le volume et la plénitude des sons, soit par l'éclat perçant de son timbre argentin. Il n'était ni beau ni bien fait, mais pour s'embellir, il n'avait qu'à chanter ; on eût dit qu'il charmait les yeux en même temps que les oreilles. Les jeunes femmes en étaient folles : on les voyait à demi-corps élancées hors de leurs loges, donner en spectacle elles-mêmes l'excès de leur émotion; et plus d'une, des plus jolies, voulaient bien la lui témoigner. Bon musicien, son talent ne lui donnait aucune peine, et son état n'avait pour lui aucun de ses désagréments. Chéri, considéré parmi ses camarades, avec lesquels il était sur le ton d'une politesse amicale mais sans familiarité, il vivait en homme du monde, accueilli, désiré partout. D'abord c'était son chant que l'on voulait entendre ; et pour en donner le plaisir, il était d'une complaisance dont on était charmé autant que de sa voix. Il s'était fait une étude de choisir et d'apprendre nos plus jolies chansons, et il les chantait sur sa guitare avec un goût délicieux. Mais bientôt, on oubliait en lui le chanteur pour jouir des agréments de l'homme aimable, et son esprit, son caractère lui faisaient dans la société autant d'amis qu'il avait eu d'admirateurs. Il en avait dans toute la bourgeoisie, il en avait dans le plus grand monde ; il était partout simple, doux et modeste, il n'était jamais déplacé. Il s'était fait par son talent et par les grâces qu'il avait obtenues une petite fortune honnête, et le premier usage qu'il en avait fait avait été de mettre sa famille à son aise. Il jouissait dans les bureaux et les cabinets des ministres d'un crédit très considérable, car c'était le crédit que donne le plaisir, et il l'employait à rendre dans la province où il était né des services essentiels. Aussi y était-il adoré. Tous les ans il lui était permis, en été, d'y faire un voyage, et de Paris à Pau sa route était connue. Le temps de son passage était marqué de ville en ville ; partout des fêtes l'attendaient. Et à ce propos, je dois dire ce que j'ai su de lui à Toulouse, avant mon départ. Il avait deux amis dans cette ville, à qui jamais personne ne fut préféré ; l'un était le tailleur chez lequel il avait logé ; l'autre, son maître de musique lorsqu'il était enfant de choeur. La noblesse, le parlement se disputaient le second souper que Jélyotte ferait à Toulouse ; mais pour le premier, on savait qu'il était invariablement réservé à ses deux amis. Homme à bonne fortune, autant et plus qu'il n'aurait voulu l'être, il était renommé pour sa discrétion, et de ses nombreuses conquêtes on n'a connu que celles qui ont voulu s'afficher. Enfin, parmi tant de prospérités, il n'a jamais excité l'envie, et je n'ai jamais ouï dire que Jélyotte eût un ennemi.

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