Coustos-Villeroy

 

Une source remarquable sur la Loge Coustos-Villeroy est le chapitre III (pp. 71-97) de l'ouvrage de Pierre Chevallier, Les ducs sous l’acacia ou les premiers pas de la franc-maçonnerie française 1725-1743 (Libr. Vrin Paris 1964). Elle a fait l'objet d'une analyse critique par Le Bihan dans son article Aux origines de la franc-maçonnerie française

Chevallier met en évidence le fait que les premières Loges parisiennes, composées surtout de nobles catholiques au service des Stuarts et du roi de France, étaient dans l'orbite jacobite ; par contre Jean Coustos, fondateur en décembre 1736 de la Loge portant son nom, était un représentant de la maçonnerie londonienne, hanovrienne et andersonienne. 

Cette Loge était très cosmopolite et comptait beaucoup de ressortissants allemands, scandinaves et polonais, dont certains allaient ensuite diffuser la maçonnerie dans leur pays.

En 1737 (l'année du second discours deRamsay), elle protesta contre l'usage nouveau, introduit dans une loge jacobite (et qui n'a jamais existé en Angleterre), de tenir l'épée à la main dans les réceptions, en arguant que la maçonnerie n'était pas un ordre de chevalerie, mais de société, où tout homme de probité peut être admis sans porter l'épée. Pemière illustration du futur fossé entre andersoniens et écossais ?

Une opération de police en juillet 1737 permit de saisir les registres de la Loge (laquelle se réunissait à La Ville de Tonnerre, rue des Boucheries, Faubourg Saint Germain), ce qui a permis leur conservation et leur exploitation par les historiens.

Cette saisie n'interrompit pas les travaux, puisqu'on trouve mention d'une réunion en novembre 1737, mais il ne semble pas qu'on ait trace d'une activité ultérieure.

Le 14 février 1737, Guignon avait proposé le duc de Villeroy, un intime de Louis XV (Coustos a même écrit que c'est sur la demande du Roi - peut-être désireux d'en savoir plus sur la maçonnerie - que Villeroy y serait entré), qui fut reçu 3 jours plus tard pour en devenir aussitôt le Vénérable - du moins en titre, car il n'était guère présent et Coustos continua à faire le travail : il semble bien que l'objectif était d'augmenter le standing de la Loge - qui fut d'ailleurs aussitôt dénommée Coustos-Villeroy - et de lui assurer une haute protection.

Parmi ses membres, il faut citer le banquier Baur (qui deviendra plus tard le substitut du futur Grand Maître, le comte de Clermont), Bontemps (le valet de chambre de Louis XV), Ricaut (l'auteur du célèbre quatrain, encore si souvent cité, qui figure au chansonnier de Naudot), le très libertin abbé Aunillon et, au nombre des musiciens, Naudot (ainsi que son fils), Clérambault, Guignon et Jelyotte.

John Coustos (ci-dessus) et (à droite) le frontispice de la traduction du livre qu'il publia en 1746 pour relater les traitements qu'il avait subis au Portugal.

Coustos 

Né à Berne d'un père chirurgien et huguenot, qui s'installa finalement en Angleterre du fait de la révocation de l'Edit de Nantes, Jean (John) Coustos exerçait la profession de lapidaire. Il fut reçu maçon à Londres en 1730, et y fut très actif, fréquentant notamment la French Union Lodge n° 75, qui comprenait divers musiciens, dont Mercy. Il s'installa ensuite, en 1736, à Paris.

Véritable missionnaire de la maçonnerie, il s'installa en 1741 au Portugal, où son activité maçonnique lui valut d'être en 1743 emprisonné et torturé par l'Inquisition. Contrairement à ses Frères portugais, sa nationalité étrangère lui évita la peine capitale. Condamné aux galères, il en sortit en 1744 à l'intervention du roi d'Angleterre et trouva refuge à Londres.

... Le président [du tribunal d'Inquisition] me demanda si cette société n'était pas elle-même une nouvelle Religion. Je répondis qu'elle engageait seulement tous ceux qui la composaient à vivre en charité et à s'aimer d'un amour fraternel les uns et les autres, sans faire attention s'ils faisaient profession d'une religion différente ou non ...

(extrait des mémoires de Coustos)

ci-contre : l'édition anglaise porte un titre différent de la traduction française : The Sufferings of John Coustos for Freemasonry and for His Refusing to Turn Roman Catholic in the Inquisition. La mention de son refus d'abjurer le protestantisme était évidemment plus propre à émouvoir les lecteurs anglais que les lecteurs français ...

La date de naissance de Coustos n'est pas connue avec précision : dans l'Encyclopédie de la Franc-maçonnerie par divers auteurs sous la direction d'Eric Saunier (Pochothèque, 2000), Beaurepaire le dit né en 1685. Dans Les ducs sous l’acacia, Chevallier dit vers 1680, mais dans le Dictionnaire de la Franc-maçonnerie de Ligou (PUF), il donne 1703. Sur la gravure ci-dessus - qu'on peut supposer réalisée après le retour de Coustos en Angleterre - il est indiqué qu'il a 43 ans, ce qui donnerait raison à cette dernière version.

La gravure ci-dessous est donnée (p. 49) par Bègue-Clavel dans son Almanach pittoresque de la Franc-Maçonnerie pour l'année 5846 en illustration de l'article Notice historique sur la maçonnerie portugaise.

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