Chanson

par le Frère Fréron

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Ces pages sont les pp. 60 et 61 du chansonnier de Naudot.

Il m'est donc permis, 
mes chers amis 
à votre Exemple de suivre le cours 
des plaisirs qui filent vos jours.

Avec quel transport mon oeil contemple
Cet auguste temple !

Le vulgaire obscur, 
de nos mépris sujet trop ample
De son soufle impur
n'en ternira jamais l'azur.

Mais en quoi consiste, je vous prie,
La maçonnerie !

le V :   Payer le tribut
A l'amitié tendre et chérie,
C'est le seul statut
De notre charmant institut.

Le f :   Quel plaisir, quand le Ciel vous assemble,
Goutez vous ensemble !

le V :   Des plaisirs si doux
Qu'aucun plaisir ne leur ressemble,
Des plaisirs si doux,
Que les Rois même en sont jaloux.

Le f :   Dites-moi ce qu'il me reste à faire
Pour vous satisfaire.

le V :   Sois sage et discret
Sache moins parler que te taire,
Préviens le regret
Qui suivroit L'aveu du Secret.

Le f :   Je savois avant que ma personne
Devint franc maçonne
Garder le tacet
C'est un art que le ciel nous donne;
Ce
petit colet
Répond que je serai discret.

Sous le titre Dialogue sur les Elémens de l'Art, la même chanson (sans le dernier couplet) figure à la Lire maçonne (pages 60 et 61). Elle est une des première qui reflète les impressions maçonniques d'un nouvel initié.

Fréron 

Le frère Fréron est bien l'abbé Fréron (1718-1776), fondateur de l'Année littéraire, grand adversaire des philosophes auxquels il reprochait leur irréligion, et en particulier ennemi mortel de Voltaire, dont on connaît la féroce épigramme :

L'autre jour, au fond d'un vallon
Un serpent mordit Jean Fréron.
Que pensez-vous qu'il arriva?
Ce fut le serpent qui creva.
 

Dans son Dictionnaire de la franc-maçonnerie et des francs-maçons (Belfond 1979), Allec Mellor, citant les deux derniers couplets ci-dessus, écrit de lui : Il avait porté pendant un temps le petit collet d'abbé, ce qui lui permit de remercier sa loge en ces petits vers, après sa réception. Celle-ci avait eu lieu en décembre 1743 (ce qui nous permet de dater la chanson) à la Loge de Procope, où il devint Maître le 26 février 1744. En avril 1745, il était Orateur de la Grande Loge !

Il avait été novice à la Compagnie de Jésus, mais avait obtenu, trois ans plus tard, d'être relevé de ses voeux et s'était marié.

Sa présence en Franc-maçonnerie montre bien que, dans les Loges du XVIIIe, on trouvait aussi bien des représentants du parti des philosophes que des membres du clan adverse.

Sur Fréron - qui y apparaît comme un personnage fort peu recommandable ! - on peut également consulter le point de vue (très partial !) de Voltaire.

Fréron est également l'auteur d'une autre chanson figurant au même recueil.

Dans le recueil de Gobin, cette chanson figure avec un commentaire (quelque peu critique), qui permet de dater ce recueil comme n'étant que légèrement postérieur à décembre 1743, date de la réception de Fréron (NB : dans le projet d'édition allemande de Lyra Latomorum, Philippe Autexier donne, d'après Brengues, comme date (p. 48) le 26 février 1744 pour cette réception) :

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