Compositions de Neukomm pour les Chevaliers de la Croix

Le rappel du devoir de bienfaisance est une constante du chansonnier maçonnique, mais il est bien entendu - et la littérature maçonnique le répète régulièrement - que cette bienfaisance doit s'exercer sans la moindre ostentation.

L'obligation de discrétion dans la bienfaisance est d'ailleurs un thème fréquent dans le chansonnier maçonnique, comme on le voit par exemple ici, ici ou ici.

Je signale à regret, Très Respectables Frères, vos actes de bienfaisance. Je sais que nos préceptes nous ordonnent de fuir l'ostentation ; mais il suffit que votre exemple puisse être imité, pour que je sois excusable de l'avoir reproduit, même sans votre approbation.

Discours du Frère Pescatore, Orateur adjoint, au cours de la fête donnée le 9 janvier 1820 à la Loge luxembourgeoise des Enfants de la Concorde fortifiée lors de l'inauguration de son nouveau Temple et de la célébration simultanée du Solstice d'Hiver. 

Un tel principe ne semble guère avoir été pris en compte par la très prétentieuse Loge parisienne des Chevaliers de la Croix, qui semble n'avoir vu dans l'étalage de sa charité qu'une occasion de faire parler d'elle, de pousser la publicité de l'Ordre du Temple dont elle était la vitrine maçonnique et de faire sa cour au pouvoir impérial et à sa courroie de transmission obligée vis-à-vis des Loges, Cambacérès (lequel, pris par d'autres occupations, s'était excusé par une lettre polie, qualifiée par le procès-verbal de monument précieux de la bienveillance du prince).

Le prétexte de cet exhibitionnisme était, à l'occasion de la fête, le 16 août (jour anniversaire de Napoléon et jour de la Saint-Napoléon), de Leurs Majestés Impériales et Royales, de recevoir 14 vieillards indigents pour, après les avoir rhabillés de pied en cap, leur offrir, sous l'oeil attentif des généreux donateurs, un repas (pareil à celui habituellement offert aux Chevaliers de la Croix) et une pièce d'argent, et d'ainsi répandre sur une classe infortunée quelques émanations du bonheur que cet hymen (ndlr : celui, récent, de Napoléon avec Marie-Louise) fait naître, étant entendu que le seul témoignage de reconnaissance que les Chevaliers de la Croix exigent ... c'est de ne cesser de faire des voeux pour le bonheur du prince qui nous gouverne, et de tout ce qui lui est cher.

Pour s'assurer que le bienfait serait versé dans des mains dignes de le recevoir (puisque seul le malheur qu'accompagnent les vertus peut inspirer à la charité un véritable intérêt), le soin de désigner 12 des bénéficiaires avait été prudemment délégué aux maires et curés des 12 arrondissements de Paris, dont les lettres de recommandation firent l'objet d'une lecture publique, avant les très paternalistes discours du Président (Choiseul-Stainville, futur Grand Commandeur de l'écossisme en 1825) et de l'Orateur (Langlacé).

On ne saurait mieux mettre en évidence les tares de la maçonnerie d'Empire.

Donner avec ostentation, ce n'est pas très joli.

Mais ne rien donner avec discrétion, ça ne vaut guère mieux.

(Pierre Dac). 

Mais ce document présente pour nous un vif intérêt (qui serait encore plus grand si nous disposions des partitions !) : l'intervention musicale du Maître des Cérémonies, compositeur de la musique des deux cantiques chantés au cours de la manifestation, puisque celui-ci est Neukomm.

Nous voyons tout d'abord qu'au cours du repas :

                                

et qu'ensuite le Maître des Cérémonies chante l'hymne à la bienfaisance, de Mr. Rossel, également mise en musique par lui :

        

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