Cantique pour le 3e degré des Clercs du Temple

Dans une autre page, nous avons présenté le système des Clercs du Temple, greffé sur la SOT ou Stricte Observance [Templière] (branche illuministe et néotemplariste de la maçonnerie, créée par le baron von Hund, qui connut un vif succès au XVIIIe particulièrement en Allemagne, et qui dispose encore de survivances) et imaginé par Jean-Auguste Starck, ainsi que les rituels de ses deux premiers grades, le Haut Grade-Écossais et le Noviciat.

Cette page-ci concerne la description du dernier grade, le Canonicat.

Notre source pour cette page est, comme pour la précédente, le Tome I de l'ouvrage posthume de René Le Forestier (1868-1951), La Franc-Maçonnerie templière et occultiste aux XVIIIe et XIXe siècles, dans sa réédition de 1987 par La Table d'Emeraude, dont voici quelques extraits (p. 165) :

 

ci-contre : Johann August von Starck

Le grade suprême, le Canonicat, comportait une consécration formelle. Le candidat faisait une retraite de quarante jours, avec abstinence et exercices de méditation solitaire. Sept jours avant la cérémonie le Chapitre se réunissait pour entendre le candidat demander formellement son admission. Elle ne pouvait d'ailleurs lui être accordée que si un siège se trouvait libre dans le Chapitre, à moins qu'on ne consente à le recevoir in expectantia.

Au dire des règlements, les sept derniers jours de la retraite avaient primitivement imposé des périodes de jeûne total, mais les candidats en étaient actuellement dispensés. Il en était de même pour la confession autrefois obligatoire la veille de la réception.

La cérémonie avait lieu au milieu de la nuit. A onze heures du soir les Chanoines se réunissaient dans la salle du Chapitre sous la présidence du Prieur, assisté du Conducteur des Novices, du Chancelier, du Trésorier et du Lecteur. Les Chanoines portaient la soutane, longue robe à traîne avec collet et revers rouges, boutonnée par devant et tombant jusqu'aux souliers ; le surplis sans manches, en mousseline blanche, avec des taillades garnies de deux franges de mousseline qu'on enroulait autour des bras, orné au côté gauche d'une croix rouge ; le birrhus, long vêtement à larges manches, en lin blanc, portant une croix ponceau ; le biretus, chapeau de forme ronde et de couleur ponceau avec cordons pendants. Des Curatores Domus, Chevaliers séculiers servant de gardes, se tenaient en armes a la porte. La salle de réunion était aménagée en chapelle. Sur l'autel étaient la Bible et le Baphomet devant sept flambeaux, dont trois seulement étaient allumés. Le Prieur portait la grande croix mystique, les Chanoines avaient une petite croix du même modèle.

A minuit le candidat était introduit dans la chapelle. On célébrait l'Officium magnum consecrationis : lecture des versets 1-14 du 1er chapitre de l'Évangile selon saint Jean ; ablutions du récipiendaire auquel l'eau était présentée par le Vicarius du Grand Maître Provincial auprès du Chapitre Clérical ; prières dites sur la tête du postulant ; encens brûlé autour de lui ; chant des psaumes 110 et 111 ; lecture des versets 12-28 du chapitre XXVIII du livre de Job ; consécration de l'eau par le Prieur avec du sel et par la récitation à haute voix et entrecoupée d'actes liturgiques de l'exorcisme suivant ... Le chant du psaume 66 suivait la consécration de l'eau, puis le récipiendaire demandait à haute voix la faveur d’être consacré à son tour. Pendant que le Prieur priait à voix basse pour demander à Dieu de ne pas permettre que cette ordination définitive pût s'égarer sur un indigne, tous les Chanoines allumaient leurs cierges ainsi que les quatre flambeaux qui n'avaient pas encore brûlé sur l'autel. Le récipiendaire était aspergé sept fois d'eau lustrale, pendant que les assistants chantaient :

1.

Rex tremendae majestatis
Qui servandos servat gratis !
Fons occulti luminis !
Tibi tremunt potestates
Et occultae facultates
Ubi apparueris !

2. 

Corruscare septemplex natura
Tenebrosa, mater pura,
Vos et septem spiritus,
Septem fortes regiones,
Septem illustrationes,
Septem formis circulus !

3.

 Salve stella matutina,
Lux de luce et regina !
Fax aurorae fulgida !
Per tremendum sacramentum,
Per amoris elementum,
Totos nos glorifica !

1.

O roi d'une redoutable majesté
Toi qui préserves sans compter
Ceux qui doivent te préserver
Source de la lumière cachée !
Devant toi tremblent les puissances et les facultés cachées
Partout où tu apparais.

2.

Que scintille la nature protectrice
Ténébreuse, mère pure
Et vous, les sept esprits,
Les sept courageuses régions,
Les sept illustrations
Et le cercle aux sept formes !

3.

Salut, étoile du matin,
Lumière issue de la lumière et reine !
Flambeau fulgurant de l'aurore !
Sacrement redoutable
Et par l'élément de l'amour
Puisses-tu nous glorifier tout entiers !

Merci à F. R. pour la traduction. 

Le récipiendaire s'engageait solennellement à observer la règle de André de Montbarre (ndlr : règle due à son neveu Bernard de Clairvaux) ; il prenait un cierge à la main, se mettait à genoux, touchait la croix mystique du Prieur et répétait la formule que lui dictait le Chancelier. Pour conclure son engagement, il jetait son cierge sur le sol en disant : Sic me perdat Deus, si haec non servavero pro viribus, ut ego hanc facem (qu'ainsi me perde Dieu si je ne conserve pas ceci selon mes forces pour que je la fasse), et tous les assistants répondaient Amen. Le Prieur l'embrassait en disant: Recipio te, ave Frater (je te reçois, bienvenue mon frère), lui murmurait à l'oreille Andreas Montebarrensis, et, lui posant les deux mains sur la tête prononçait : Confirmet in te Deus quod incepit; conservet te et glorifice: te et ad coelestis luminis participationem perfectum reddet (que Dieu confirme en toi ce qu'il a commencé, qu'il te conserve et te glorifie ; qu'il te donne accès à la parfaite participation aux régions célestes de la lumière). Puis il l'encensait trois fois, l'oignait avec l'huile sainte au front et à la main lui passait au cou le ruban supportant la petite croix mystique, après en avoir touché le Baphomet, et lui passait au doigt l'anneau canonical pendant que les Frères le revêtaient de la soutane et du birrhus.

Le nouveau Chanoine était enfin introduit dans le chœur, où on lui indiquait sa place ; après une dernière prière le Prieur prononçait la clôture du Chapitre.

Le Forestier fait ensuite, sur les deux derniers grades du système, les considérations suivantes :

Les doctrines professées par les deux grades supérieurs, le Noviciat et le Canonicat, avaient pour base fondamentale un thème mystique devenu classique depuis la période néo-alexandrine, et d'après lequel il y a eu, dans tous les temps et chez tous les peuples, des hommes privilégiés auxquels une illumination intérieure a fait connaître les rapports unissant la créature au Créateur et révélé les secrets du monde physique. Vivant à l'écart de la foule et ignorés du vulgaire, ces élus avaient transmis à des disciples soigneusement choisis les fruits de cette révélation individuelle et ils les avaient consignés sous une forme allégorique dans les cérémonies des Mystères, qui avaient reçu au cours des âges des formes différentes, tout en concernant les mêmes objets. Les véritables initiés, c'est-à-dire ceux qui avaient mérité de comprendre la signification profonde des symboles et des cérémonies présentées aux mystes et pratiquées en leur présence, étaient mis à même de rétablir la communication directe qui, avant la Chute, existait entre l'homme et la Divinité, d'obtenir une union intime avec elle après la mort matérielle et de récupérer dès cette vie les facultés dont la faute du premier homme avait privé la masse de ses descendants et qui assuraient sa domination sur le monde phénoménal.

chansons en latin

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