L'ordre des Mopses

Cliquez ici  pour entendre un fichier mp3 de cette partition (dans sa version 1745), séquencé par Christophe D.

Cliquez ici  pour entendre un fichier mp3 de cette partition (dans sa version 1909), séquencé par Christophe D.

Le recueil singender Muse an der Pleisse publié en 1745, sous le pseudonyme de Sperontes, par Johann Sigismund Scholze (1705-1750) contient, non seulement une des premières chansons maçonniques éditées en allemand, mais également, juste avant celle-ci (n° 49, disponible ici ou ici) une chanson de l'ordre des Mopses, avec sa partition (reproduite ci-dessous).

L'ordre des Mopses

Parmi les nombreux ersatz de la franc-maçonnerie qui ont fleuri au XVIIIe (et dont certains exemples sont mentionnés dans le présent chapitre du site), un des plus pittoresques est sans contredit l'Ordre des Mopses, qui était mixte et qui connut une assez brève existence, surtout en Autriche et en Allemagne, à partir de 1838.

La deuxième partie de l'ouvrage de Pérau, L' Ordre des Francs-Macons trahi, et Le secret des Mopses révélé, s'intitule Le secret des Mopses révélé et va de la p. 201 à la p. 240. On y relève - outre la gravure reproduite ci-dessous avec certains de ses détails - quelques détails savoureux, tels celui concernant le signe :

Le premier Signe se fait en appuyant avec force le doigt du milieu sur le bout du nez, les deux autres doigts sur les deux coins de la bouche, le pouce sous le menton, le petit doigt étendu & écarté ; & en faisant sortir le bout de la langue par le côté droit de la bouche.

On remarque que ce signe évoque remarquablement le museau aplati du carlin (Mops en allemand) !

Signes mystérieux

On trouve dans les divulgations du XVIIIe d'autres descriptions curieuses de signes de reconnaissance attribués à des sociétés maçonniques ou para-maçonniques. S'agit-il de pratiques ayant réellement eu cours, ou d'affabulations peut-être destinées à semer la confusion dans l'esprit des profanes (et même à bien s'amuser à leurs dépens s'ils tentent d'en faire usage) ? La question reste ouverte.

On citera comme exemples :

- dans Le Parfait Maçon de 1744, cette description (p. 50) du signe d'Apprenti (qui, comme le fait remarquer Jan Snoek dans Le rite d'adoption et l'initiation des femmes en franc-maçonnerie, des Lumières à nos jours, p. 101, est le même que celui du 2e grade dans certains Rituels d'Adoption) :

Le premier signe se fait en appliquant les second et troisième doigts de la main gauche sur ses lèvres, et posant le pouce sous le menton. Tout franc-maçon qui aperçoit ce signe, doit répartir par un autre, en se pinçant le lobe de l'oreille droite avec le pouce et le petit doigt de la même main.

- dans Les francs-maçons écrasés de Pérau, cette description (p. 212) du signe des Frères Servants :

Le Signe des Servants commence par l'élévation de la main droite à hauteur d'épaule, en étendant le bras dans toute sa longueur, de façon cependant que le pouce se trouve assez éloigné des autres doigts pour former la figure d'un compas. Cette première position s'appelle le premier temps du Signe. Ensuite le pouce & les quatre doigts venant à se replier, la main demeure fermée pendant quelque temps, au bout duquel on étend l'index seulement, tandis que les autres doigts restent toujours dans le même état. Ce changement, & ce repli de la main, s'appelle le second temps. Au troisième, on porte la main au visage, de manière que l'index dans sa longueur, ferme exactement sa bouche, & que le bras se trouve collé au milieu de l'estomac, & le coude appuyé sur la poitrine. On doit observer que l'index, en fermant la bouche, doit se trouver dans une position unique & singulière. Le poing doit être appliqué dessus, de façon que la distance qui se trouve entre le pouce & l'index touche le menton, & que la première jointure de ce dernier couvre immédiatement les lèvres, & que les deux autres, posées directement sur le nez, en excedent la hauteur : derniere position, qui finit les trois temps du signe auquel les Frères se reconnoissent, & après lequel chacun d'eux laisse retomber son bras dans sa situation naturelle.

Plus cocasse encore - mais on sait Pérau plutôt malicieux, et peut-être imaginatif ? - est la phase du rituel de réception illustrée et contée ci-dessous, au moment où le (la) candidat(e) a encore les yeux bandés, et après le dialogue suivant :

Le Gr. M. Demandez-lui si son obéissance sera prompte, aveugle, & sans la moindre contradiction ?

Le Surv. Oui, Grand-Mopse

Le Gr. M. Demandez-lui, s'il veut baiser les Frères ? 

Le Surv. Oui, Grand-Mopse

Le Gr. M. Demandez-lui, s'il veut baiser.... 

... Je m'arrête ici, pour faire souvenir le Lecteur que ce n'est pas moi qui parle, mais le Grand Maître d'un Ordre illustre, ou tout au moins un Maitre de Loge ; & qu'il ne m'est point permis de changer des termes consacrés. Le Grand-Maitre continue donc ainsi : Demandez-lui s'il veut baiser le cul du Mopse ou celui du Grand-Maître ? ... Un mouvement d'indignation, que le Récipiendaire manque rarement de faire dans ce moment, oblige le Surveillant à le prier avec toute la politesse & toutes les instances possibles, de choisir l'un ou l'autre. Cela forme entre eux la dispute la plus originale qu'on puisse imaginer. Le Récipiendaire se plaint avec aigreur qu'on pousse la raillerie trop loin, & déclare qu'il ne prétend point être venu là pour servir de jouet à la Compagnie. Le Surveillant, après avoir inutilement épuisé sa rhétorique, va prendre un Doguin de cire, d'étoffe, ou de quelque autre matière semblable, qui a la queue retroussée, comme la portent tous les Chiens de cette espèce ; il l'applique sur la bouche du Récipiendaire, et le lui fait ainsi baiser par force.

NDLR : on sait qu'à cette époque, même dans la maçonnerie proprement dite, les épreuves de la réception relevaient parfois plus du bizutage que du cheminement initiatique ...

On s'amusait aussi beaucoup sans doute dans les Loges d'Adoption lors de cette phase du Rituel où le Vénérable faisait répéter à la récipiendaire cette partie du texte de son Obligation (exemple de cette phrase, qu'on retrouve dans beaucoup de Rituels d'Adoption : L'adoption ou La maçonnerie des femmes, p. 17) :

... Je promets de plus & m'engage de coucher cette nuit avec ... (ici le Vénérable s'arrête un instant) ... la jarretière de l'Ordre ...

Cette partition a été rééditée en 1909 avec un accompagnement de piano (voir p. 237). C'est sur cette édition qu'est basé le fichier mp3 que vous pouvez entendre séquencé par Christophe D.

Le texte figure sous la partition aux pages précitées. On en trouvera ci-dessous le premier couplet, tel que reproduit à une page du riche site du Dr. Roland Müller :

Nun kommt mein Mops, das treue Thier,
Mir täglich angenehmer für,
Da sich die Menschen nicht mehr schämen,
Den Hundenahmen anzunehmen;
Und auch so gar,
Ist das nicht rar?
Die Schönen dieser Erden
Anitzt zu Mopsen werden.

Viens mon Mopse, carlin fidèle
Tu m’es plus agréable de jour en jour,
Puisque les gens n’ont plus honte
De prendre un nom de chien
De sorte que même
- N’est-ce pas étrange ? -
Les beaux de ce monde
Deviennent des Mopses maintenant.

Voici également les couplets 4 et 5 :

Wie freundlich dieser aber leckt, 
Das Pfötchen giebt, die Zunge streckt, 
Das wird, mit Wahrheit zu gestehen, 
Bei andern Hunden schwer geschehen. 
Der eine knurrt, 
Der andre murrt; 
Sehr viele sind unbändig, 
Die Mopse treu, bestândig.

Daß doch die Menschen insgesammt, 
Nach ihrem Stand, Beruf und Amt, 
Insonderheit die lieben Frauen 
Mein Möpschen nicht zum Beispiel schauen! 
Und nicht zur Zeit, 
Schon weit und breit, 
In den getreuen Orden 
Sind aufgenommen worden! 

Il nous lèche si amicalement,
Il avance sa petite patte, et tend la langue
Voilà qui en vérité
Arrive rarement c
hez les autres chiens
L’un grogne,
L’autre grommelle
La plupart sont indociles
Les Mopses sont fidèles et calmes.

Pourtant, les gens en général,
Selon leur classe, métier ou fonction,
Particulièrement ces chères dames
Ne prennent pas exemple sur mon petit carlin !
Elles n’ont jusqu’à présent,
Été admises
Ni de près, ni de loin
Dans l’ordre loyal !

Merci à Jacques Huyghebaert qui m'a aidé par son précieux travail de traduction.

Le dessin ci-dessous, publié en Pologne en 1908, est visiblement inspiré de l'illustration de Pérau.

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