La cantate Les Francs-Maçons
de Louis-Nicolas Clérambault

Les séquences Youtube ci-dessous proviennent du CD Musik im Geiste der Freimaurerei.

 

En 1743, Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) a publié Les Francs-Maçons, cantate de chambre en trois parties.

On en trouve le texte dans plusieurs chansonniers du XVIIIe, en particulier dans les diverses éditions des chansonniers dits de Jérusalem (A p. 5, B p. 31, C p. 32 , D p. 32, E p. 25) et dans des chansonniers qui en sont inspirés :

  • Recueil de Lausanne pp. 87 à 89 (reproduite ci-dessous)

  • Lyre maçonne pour le Marquis de Gages, p. 11

ainsi que dans la Muse maçonne de 1773 (p. 38).

Elle y est chaque fois précédée de la cantate Le triomphe de la maçonnerie et suivie de la cantatille Invocation à Astrée et de la cantatille Les francs-maçons de Lemaire. Toutes quatre, dans cet ordre, forment un ensemble.

L'ariette finale (2 couplets) figure également (p. 208), sous le titre Ariette, dans le Free-Masons Vocal Assistant de 1807.

A l'époque (voir par exemple l'épisode conté à propos de Naudot), l'institution était fort décriée. Et, comme l'écrit  Gérard Gefen dans Les musiciens et la franc-maçonnerie (Editions Fayard, 1993, collection Les chemins de la musique) : À la vérité, cette oeuvre semble s'adresser aux "profanes" plus encore qu'aux frères ; Les Francs-Maçons répond en effet presque point par point aux attaques dont l'institution faisait l'objet.

La cantate est composée de trois parties. Un court extrait (30 secondes) de chacune d'elles peut être entendu en cliquant sur le symbole   figurant en face du texte qui y est chanté (fichiers wav d'environ 125 Ko chacun). Bernard Cottret, baryton, est accompagné de Georges Tessier, violon, et Robert Cordier, viole de gambe, sur ce disque de Roger Cotte (également présenté sur le site Amazon.com).

Première partie

Dans la première partie, Clérambault chante les vertus de la franc-maçonnerie :

Récit

     Ordre ignoré du profane vulgaire,
Ordre auguste et que je révère,
C'est à toi qu'aujourd'hui je consacre mes sons :
Que dans mes transports
téméraires
Un peuple d'amis et de frères
Soit à jamais l'objet de mes chansons.

Air

Du haut du céleste Empyrée,
La Vertu nous dicta des lois.
Et quittant la voûte sacrée,
Parmi nous la divine Astrée
S'arrête une seconde fois.

Loin du faste et de l'imposture,
Nous formons de sages désirs.
Une volupté toujours pure,
Les sentiments et la Nature,
Nous fournissent les vrais plaisirs.

Deuxième partie

La deuxième fait clairement allusion aux persécutions dont l'Ordre est l'objet :

Récit

Mais que vois-je ? Enviés du reste des mortels, 
Va-t-on fermer le Temple, abattre nos autels ?
A notre innocence plaintive,
A notre troupe fugitive
Va-t-on interdire nos lieux?
Oui, ceux que contre nous le préjugé captive,
S'unissent pour briser les plus aimables noeuds.

Air

      Noire calomnie, 
Barbare furie,
Tu sors des Enfers
Ton souffle perfide 
Infecte les airs
Ta bouche homicide 
Emeut l'Univers.

Sur nous tu t'arrêtes,
Déjà tu nous prêtes
Des traits dangereux.
Tu troubles nos fêtes,
Tu proscris nos jeux.
J'entends sur nos têtes
Tes serpents affreux.

Troisième partie

Et la troisième partie a un but de justification face à la méfiance manifestée par l'autre sexe. Ce thème, écrit  Gérard Gefen, inspira en effet au XVIIIe siècle un très abondant chansonnier en Angleterre et en France. Il s'agissait à la fois de justifier l'exclusion des femmes de la franc-maçonnerie et de protester de l'amour que leur vouaient cependant les frères. Chez Clérambault, le registre reste celui de la galanterie, mais on trouve nombre de variations bien plus truculentes …

Récit

Monstre, arrête, et d'un sexe aimable mais jaloux
Qui contre nous s'offense et déjà nous menace,
Cesse d'allumer le courroux;
Ne va point à notre disgrâce
Ajouter ce revers, le plus cruel de tous.

Ariette

       À quel soupçon imaginaire,
Sexe charmant vous livrez-vous?
L'on ne sort jamais d'avec nous 
Que discret, fidèle et sincère.

Ces vertus ont de quoi vous plaire,
Nous les exerçons chaque jour.
Les lois qui forment au mystère
Forment des coeurs au tendre Amour.

Les Femmes, qui veulent être partout où il y a des Hommes, ont été extrêmement scandalisées, de se voir constament bannies de la Société des FrancsMaçons. Elles avoient supporté plus patiemment de n'être point admises dans plusieurs Ordres qui ont fleuri en France à différentes reprises. C'étoient autant de Sociétés Bachiques, dans lesquelles on ne célébroit que le Dieu du Vin : on y chantoit quelques Hymnes à l'honneur du Dieu de Cythère; mais on se contentoit de chanter, tandis qu'on offroit à Bachus des sacrifices très-amples & très-réels. II ne fut pas difficile d'éloigner les Femmes de pareilles Sociétés ; elles s'en exclurent elles-mêmes par vanité ; & elles couvrirent du spécieux prétexte de décence, ce qui n'étoit au fond qu'une attention réfléchie sur leurs charmes.

Elles ont pensé bien autrement de l'Ordre des Francs-Maçons. Lorsqu'elles ont su avec quelle modération ils se comportoìent dans leurs repas, tant solemnels que particuliers, elles n'ont pas pu imaginer quelles étoient les raisons que ces respectables Confrères avoient eues, pour les exclure de leur Société. Persuadées que sans elles, les hommes ne peuvent goûter que des plaisirs criminels, elles ont donné les couleurs les plus odieuses aux délices dont les Francs-Maçons jouissent dans leurs Assemblées.

(L'ordre des Francs Maçons trahi, 1745, pp. 4-9)

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