|  L'ouvrage
Annuaire dramatique de la Belgique pour 1839 lui consacre la notice
nécrologique suivante :
 
  Ries (Ferdinand), est né, comme Beethoven, à Bonn-sur-le-Rhin, en 1784 ; ils complétèrent l'un et l'autre leurs études à l'école d'Albrechtsberger, à Vienne, et ainsi que son illustre compatriote, dont il devint l'élève, Ries fit son entrée dans le monde musical comme pianiste, et ne tarda pas à s'élever au plus haut degré de la composition. En 1804, Ries exécuta, à Vienne, pour la première fois, le concerto en ut mineur de son maître, et, par son exécution étonnante, il excita tellement l'admiration, qu'on le nomma le
   géant de son instrument (en allemand,  Ries signifie  géant). Il se rendit, en 1806, à Saint-Pétersbourg et de là à Londres où, en peu de temps, il s'acquit, tant par ses compositions que par son talent d'exécution, une réputation européenne. Par quelques années de travaux continus, Ries s'était fait une fortune honorablement méritée, et s'était retiré à Francfort-sur-le-Mein. Ce fut depuis cette époque que l'on vit paraître ses opéras, parmi lesquels
   la Fiancée du Brigand,  Liska ou  la Sorcière de Gyllensteen, se trouvent en première ligne. Dans un voyage qu'il fit en Italie, en 1832, Ries recueillit une ample moisson d'applaudissemens, sur toute sa route. Ses symphonies surtout jouissent d'une grande réputation en Allemagne et en Angleterre, et sont placées presque au niveau de celles de Beethoven. L'association musicale fondée
  pour donner des fêtes musicales alternativement, dans les villes de Cologne, de
  Dusseldorf et Aix-la-Chapelle avait nommé Ries son chef, et il s'acquittait de ses fonctions avec un talent que justifiait parfaitement le choix qu'on avait fait de lui. C'est dans la dernière de ces villes, où il se trouvait momentanément, que la mort vint le surprendre.
 Plus détaillée
est la notice que lui consacré Fétis dans son
Tome 7 :
 
  RIES (Ferdinand), pianiste et compositeur,
  fils d'un directeur de musique au service de l'électeur de Cologne, naquit à Bonn, en 1784. Ses
  heureuses dispositions pour la musique se manifestèrent dès ses premières années : son père
  lui fit commencer l'étude de cet art à l'âge de cinq ans, et dans sa huitième année il devint
  élève de Bernard Romberg [NDLR : cousin de Andreas Romberg]
  pour le violoncelle ; mais l'invasion du pays par l'armée française ayant dispersé la chapelle du prince en 1793,
  le père de Ries, ruiné par cet événement, et sans espoir de procurer à son fils une position
  solide, lui fit apprendre à jouer du piano. Déjà, dans sa neuvième année, il avait écrit quelques
  petites compositions pour cet instrument. Le jeune Ries n'eut d'abord d'autres secours pour son
  instruction dans l'harmonie que quelques livres rassemblés par son père. Parvenu à sa treizième
  année, on l'envoya à Arnberg, en Westphalie, chez un ami de sa famille, qui s'était chargé du
  soin de lui enseigner à jouer de l'orgue, et les éléments de la composition; mais il se trouva que
  le maître était moins habile que l'élève, et que celui-ci ne put employer utilement son temps,
  pendant les neuf mois de son séjour à Arnberg, qu'en se livrant à l'étude du violon. De retour
  dans la maison paternelle, il y resta environ deux ans, occupé à mettre en partition les quatuors de Haydn et de Mozart, qu'il avait pris
  pour modèles, et à arranger pour le piano les oratorios de  la Création, des
  Saisons, et le  Requiem de Mozart, dont Simrock publiait des éditions. En 1801, Ries se rendit à Munich avec
  son ami d'Arnberg, qui bientôt l'y laissa, fort léger d'argent, mais plein d'espoir dans l'avenir,
  et d'énergie pour surmonter les obstacles. Cependant Munich lui offrait peu de ressources pour
  le but qu'il se proposait d'atteindre : quelques leçons de Winter furent ce qu'il y trouva de
  mieux; mais le départ de ce maître pour la France le laissa bientôt privé de ce secours, et le
  détermina à se rendre à Vienne. Lorsqu'il se mit en route pour cette ville, toute sa fortune se composait de sept ducats, et
  d'une lettre de recommandation de son père pour Beethoven, qui avait été son ami. Le grand homme justifia par
  la cordialité de son accueil l'espoir du jeune artiste et celui de sa famille. Devenu élève de
  Beethoven, Ries se livra avec ardeur au travail. Le maître ne s'était chargé que de son éducation
  de pianiste ; à l'égard du contrepoint, il l'avait envoyé chez Albrechtberger qui, devenu vieux,
  n'aurait point accepté de nouvel élève si la recommandation de Beethoven n'eût été pressante,
  et si l'attrait d'un ducat par leçon ne l'eût séduit. Malheureusement les ducats n'étaient pas en
  grand nombre dans la bourse de Ries ; après vingt-huit leçons, ses ressources pécuniaires
  furent épuisées, et il ne lui resta plus d'autre moyen d'instruction que les livres, et le souvenir
  de ce petit nombre de leçons, les seules qu'il ait reçues concernant l'art d'écrire.  Quatre années de cohabitation avec Beethoven, son exemple et ses conseils, avaient formé
  le goût de Ries, et imprimé à son talent une tendance vers la grandeur et la force. En 1806,
  l'inflexible loi de la conscription vint l'arracher à son heureuse existence, et l'obligea à retourner
  en hâte à Bonn, alors au pouvoir des Français. L'armée de Napoléon qui s'avançait vers Vienne
  obligea le jeune artiste à faire un long détour pour se rendre à Leipsick, et à passer par Prague et Dresde. Arrivé à Coblence, il s'y présenta
  devant le conseil de recrutement qui devait l'enrôler comme soldat ; mais l'effroi que lui inspirait cette perspective fut bientôt dissipé, car
  ayant perdu l'usage d'un œil dans son enfance, par la petite vérole, il fut déclaré incapable de
  service. Alors il réalisa le projet formé depuis longtemps de visiter Paris. Il y fit un séjour
  d'environ deux ans, et y publia quelques-unes de ses meilleures compositions. En 1809 il partit
  pour la Russie, s'arrêtant à Cassel, Hambourg, Copenhague et Stockholm, pour y donner des
  concerts. Ce voyage, commencé sons d'heureux auspices, fut cependant traversé par des accidents assez graves : par exemple, le vaisseau
  sur lequel Ries s'était embarqué en quittant la Suède fut pris par les Anglais, qui gardèrent
  leurs prisonniers pendant huit jours sur un rocher avant de les rendre à la liberté. Arrivé
  enfin à Pétersbourg, Ries y trouva son ancien maître, Bernard Romberg, qui fit avec lui un
  voyage dans l'intérieur de la Russie. Ils donnèrent des concerts à Kiew, dans la petite Russie,
  à Riga, à Revel, et furent partout accueillis avec enthousiasme. Le projet des deux artistes était de
  se rendre ensuite à Moscou ; mais l'arrivée des armées françaises en Russie, et le désastre de
  cette capitale, qui en fut la suite, ne leur permit pas de réaliser leur dessein. Ries prit alors la
  résolution d'aller en Angleterre; mais avant de s'y rendre, il s'arrêta une seconde fois à Stockholm. Arrivé à Londres au mois de mars 1813,
  il y débuta au concert philharmonique, et y excita une vive sensation. Peu de temps après, il
  épousa une dame anglaise, aussi remarquable par les qualités de l'esprit que par la beauté.
  Dès ce moment il devint un des maîtres les plus renommés dans la capitale de l'Angleterre. Son
  activité prodigieuse comme virtuose, comme professeur et comme compositeur, lui fit gagner
  en dix années des sommes considérables. Le 3 mai 1824 il donna à Londres son concert d'adieu,
  où les amateurs se portèrent en foule ; puis il partit avec sa famille pour se rendre dans une
  propriété qu'il avait acquise à Godesberg, près de Bonn, et y vivre dans le repos. Là, il se livra
  à son goût pour la composition, et écrivit quelques grands ouvrages. Les embarras d'une maison
  de banque de Londres, où il avait placé une partie de son avoir, lui donnèrent ensuite des
  inquiétudes sur sa fortune ; mais il paraît que ces affaires s'arrangèrent, et que ses pertes furent
  peu importantes. En 1830 il fit représenter son opéra de  la Fiancée du
  brigand, en trois actes, qui fut accueilli avec faveur dans plusieurs villes
  de l'Allemagne, notamment à Berlin. L'année précédente il avait fixé son séjour à Francfort.
  En 1831 il fit un voyage en Angleterre pour faire représenter à Londres son nouvel opéra féerie,
  intitulé  Liska, ou la Sorcière de Gellenstein, et pour diriger les festivals de Dublin. De retour en Allemagne à l'automne de la même année, il y resta un an, puis entreprit avec sa famille un voyage en Italie, visita Milan, Venise,
  Florence, Rome, Naples, et enfin retourna à Francfort, où il reprit ses travaux. Chargé de la
  direction de la fête musicale d'Aix-la-Chapelle, en 1834, il s'établit dans cette ville, au mois de
  février. Je l'y vis pour la première fois au mois de mai, quoique nous fussions en correspondance depuis près de dix ans, et je trouvai en
  lui un homme aimable, modeste et d'un esprit solide. A l'occasion de cette fête, la ville d'Aix-la-Chapelle lui offrit la place de directeur de l'orchestre et de l'académie de chant : bien qu'indépendant par sa fortune, il l'accepta, dans le but
  unique de travailler au développement du goût et de la culture de l'art dans une ville éloignée
  du centre d'activité de l'Allemagne, Cependant la gêne attachée à de semblables fonctions le décida à s'en démettre en 1836, et il se rendit à
  Paris, puis à Londres, où il écrivit son oratorio de  l'Adoration des
  Rois, destiné à la fête musicale d'Aix-la-Chapelle, en 1837. Se rendant en
  cette ville pour y préparer l'exécution de son ouvrage, il passa par Bruxelles, vint me voir et me
  fit entendre son oratorio avec l'amour qu'un artiste accorde toujours à ses dernières productions. Il avait de la gaieté, se portait bien, et rien
  ne semblait annoncer sa fin prochaine. Après le festival d'Aix-la-Chapelle, il retourna à Francfort, et se chargea de la direction de la Société de
  Sainte-Cécile, fondée par Schelb; mais à peine avait-il pris possession de cet emploi, qu'il
  mourut, le 13 janvier 1838, à l'âge de cinquante et un ans.  Ries doit être rangé dans la classe des artistes
  les plus distingués de son temps. S'il n'eut pas comme pianiste un mécanisme irréprochable, il
  fut un des premiers qui donnèrent à cet instrument une grande puissance d'effet par des traits
  harmoniques de formes nouvelles, et par un fréquent usage alternatif de la pédale qui lève les
  étouffoirs. Dans ses compositions, son style est évidemment, sinon une imitation, au moins
  une émanation de celui de Beethoven, particulièrement dans ses premiers ouvrages. Vers
  la fin de sa vie, Ries fit des efforts pour donner à ses œuvres un caractère d'individualité, sans
  doute à cause des critiques qui avaient attaqué l'analogie de son style avec celui de son maître.
  Ses premières symphonies ont un peu de sécheresse; mais dans les autres il y a de l'éclat et de
  la chaleur. Il y a de fort belles choses d'un grand style dans son oratorio de
   l'Adoration des Rois. Sa musique de théâtre a le défaut de manquer de facilité et de charme dans la mélodie, défaut
  assez ordinaire chez les compositeurs qui ont écrit beaucoup d'oeuvres instrumentales. Dans la
  liste des ouvrages les plus importants de Ries, on remarque ceux-ci :  [suit une liste de 28
  items] Ries
  a publié, avec M. Wegeler de Bonn, une notice biographique sur Beethoven, intitulée : Biographische Notizen
  über Ludwig van
  Beethoven; Coblence, Baedeker, 1838, in-8°. M. A.-F. Legentil a donné une traduction française de ce volume, sous le titre : Notices biographiques sur L. Van Beethoven par le
  Dr. F.-G. Wegeler et Ferdinand Ries ; Paris, Dentu, 1862, 1 vol. in-8°. Les renseignements que
  fournit cet ouvrage, particulièrement sur la jeunesse de l'illustre compositeur, ont sans doute
  de l'intérêt ; mais son caractère y est présenté sous un jour défavorable en plusieurs circonstances. Quelle que puisse être la vérité des faits
  rapportés à cet égard par Ries, peut-être ne devait-il pas s'en faire l'historien, et s'exposer
  au grave reproche d'ingratitude envers un si grand homme, qui avait eu pour lui les sentiments d'un père. Peut-être certains procédés
  désagréables de Beethoven envers lui, dans la dernière année de son séjour à Vienne, lui
  avaient-ils laissé de l'irritation : je fus porté à le croire lorsqu'il m'écrivit en 1829 une lettre remplie de félicitations à l'occasion des critiques
  que je publiai à cette époque sur les défauts considérables de goût qui, dans mon opinion,
  déparent les derniers ouvrages de cet homme de génie. Quoique je fusse persuadé alors, comme
  je le suis encore et le serai toujours, que j'étais dans le vrai a cet égard, j'avoue que j'éprouvai
  beaucoup d'étonnement de rencontrer cet écho dans l'âme du seul élève que Beethoven ait voulu former.
 [NDLR : ce
jugement, aussi imprudent que prétentieux, de Fétis sur les fautes de goût
des dernières oeuvres de Beethoven témoigne de son conservatisme et le
rend aujourd'hui quelque peu ridicule. On lira ici
avec intérêt l'opinion de Berlioz sur cette question].
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