Louis-Antoine DORNEL

En cliquant ici, vous entendrez le début du 6e et dernier mouvement (Chaconne) de sa sixième suite en trio, interprétée par le Concert Calotin (CD Arion ARN 68559)

 

Louis-Antoine DORNEL est né vers 1685 (certaines sources donnent 1680) et sa date de décès est également incertaine. Il fut surtout organiste et compositeur. En 1706, il fut nommé organiste de Sainte-Madeleine-en-la-Cité, suite au désistement de Rameau qui avait été jugé le plus habile mais qui avait refusé la clause d'exclusivité liée au contrat. En 1719, il devint l'organiste de l'abbaye Sainte-Geneviève.

En 1725, il fut nommé Maître de musique pour l'Académie française, ce qui lui imposait annuellement l'écriture d'un motet. Mais - incompétence ou intrigues ? - il fut viré de cette charge en 1742 au profit de Rebel.

Plusieurs motets de Dornel furent donnés au Concert Spirituel.

De 1748 à 1757, il fut l'organiste de Saint-Germain-le-Vieil, après quoi on perd sa trace.

Il a laissé une œuvre importante, comprenant un livre de pièces de clavecin (1731), de la musique de chambre, de la musique d'orgue et de la musique vocale.

Fétis, qui (dans sa Biographie universelle des musiciens) l'exécute en quelques lignes, le qualifie d'organiste médiocre et de mauvais compositeur.

On trouve en 1757 au Tome 4 des Poesies de M. l'abbé de L'Attaignant (pp. 195-7) un air intitulé Les Tourterelles / De Monsieur Dornel / Organiste de Sainte Geneviève / Pièce de clavecin parodiée.

Le Concert Calotin

Dornel a donné à l'une de ses oeuvres un titre bizarre (qui rappelle celui d'une pièce de Couperin, Les calotins et les calotines) : Le Concert Calotin.

Le mot calottin était loin d'avoir au XVIIIe le même sens que de nos jours.

Reportons-nous à l'article Calotte dans le Dictionaire critique de la langue française de Jean-François Féraud datant de 1787-1788 (Page A344b) :

CALOTTE ou CALOTE, s. f. Petit bonet qui ne couvre que le haut de la tête. Calote de satin, de marroquin, de drap, etc. — Calote à oreilles, grande calote qui couvre les oreilles. — Les Cardinaux portent la calote rouge. — Et quand on dit que le Pape a doné la calote à quelqu'un, on veut dire qu'il l'a élevé à la dignité de Cardinal.
On dit familièrement, de quelqu'un qui a la tête légère, qu'il aurait besoin d'une calote de plomb.
Pendant un temps, c'était une fureur en France de doner des brevets de la calote, d'enrôler dans le Régiment imaginaire de la calote, c. à. d., de la folie. Ainsi, doner la calote, ou un brevet de la calote, c'était déclarer un homme fort extravagant. — De là calotin, homme extravagant ou noté et décrié; et calotine, pièce de vers mordante et satirique.

L'histoire du Régiment de la Calotte nous a semblé suffisamment amusante pour lui consacrer une page séparée à l'usage des amateurs. 

Dornel, qui a lui-même bénéficié d'un brevet de calotte, semble avoir été l'un des animateurs de la société.

On verra d'ailleurs plus loin qu'il avait une bonne plume et de l'humour.

*

Parmi les divulgateurs des secrets maçonniques au XVIIIe, un des plus célèbres est, sous le pseudonyme de Gabanon, le violoniste Travenol. C'est à lui qu'est attribué un brevet de calotte décerné aux francs-maçons. A moins qu'il n'ait été lui-même un des gentils organisateurs de la confrérie - ce dont nous n'avons trouvé nul indice - il semble bien qu'il s'agisse d'une initiative personnelle de Travenol, récupérant au profit de sa campagne une idée à succès qui ne lui appartenait pas.

N'empêche ... franc-maçon aurait-il été à l'époque, aux yeux de certains, considéré comme synonyme de fêlé ?

Un des contemporains de Dornel, Paul-Louis Roualle de Boisgelou, dit de lui, dans son Catalogue de la musique provenant du fonds du Concert spirituel, qu'il étoit homme d'esprit et fort gay... comme on l'étoit alors, et l'un des principaux arcs-boutants de la Société franc-maçonne.

Qu'il ait été homme d'esprit - et de surcroît excellente plume - nous est confirmé par cette Requête qu'il adressa en 1739 à l'abbé de Sainte-Geneviève, à propos de la nécessaire réfection du portail de l'église : 

Vous dont, si justement, on vante la bonté,
La sagesse, la prévoyance,
L'esprit, le zèle, la prudence,
Agréez l'humble remontrance
D'un enfant d'Apollon plein de timidité;
Qui n'ose garder le silence
Dans une occasion où trop de négligence
Pourroit l'envoyer boire au fleuve de Léthé.
Votre portail fameux par son antiquité
Semble menacer ruine et me faire la morgue;
Et s'il venoit à tomber sur votre orgue,
Décidez si Dornel seroit en sûreté ;
Le reste de l'église est de semblable date,
Et je crains fort que le tout ne s'abatte
Par sa trop grande vétusté ;
Plus je le considère et plus mon oeil découvre
Qu'il paraît prêt à s'ébranler,
Et je frémis de peur de le voir s'écrouler
Comme le bâtiment de Saint-Thomas du Louvre.
S'il faut qu'il vienne à s'ébouler,
C'est fait de ma pauvre cervelle.
Comme un rien peut me la fêler,
Je tremble incessamnent pour elle.
Mon fidèle Zéphir [souffleur] pénétré de frayeur,
Trouvant, en la soufflant, l'orgue désaccordée,
Ne sauroit s'ôter de l'idée
Que cela présage malheur.
Pour faire l'esprit fort, je dissipe sa crainte,
Je lui dis qu'il se livre à d'inutiles soins.
Mais, à vous l'avouer sans feinte,
J'ai d'autant plus de peur que j'en témoigne moins.
A dire vrai, votre organiste
Aime mieux être encor quarante ans calotin
Que d'être couché sur la liste 
De ceux qui, de la mort, grossissent le butin. 
Et c'est toujours trop tôt, quelque tard que l'on meure;
... 
Le funeste péril qui nous menace tous
Peut arriver à l'improviste.
On remplacerait bien le craintif organiste,
Mais où trouverait-on un abbé comme vous ?
Agissez donc, seigneur, pour dissiper ma crainte ; 
Tâchez pour vous, pour moi, pour le public,
Pour la gloire de Dieu, pour la patronne sainte, 
Qu'on emploie, au plus tôt, pierre, ciment, mastic,
A la raison mon discours est conforme
Et quoiqu'en verbiage il paraisse fécond,
S'il est badin dans la forme,
Il est sensé dans le fond.
Ce considéré, qu'il vous plaise
Mettre ordre à pareil accident,
Je toucherai l'orgue plus à mon aise, 
Et votre zèle ardent pour la Divinité 
Servira de modèle à la postérité.

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