Folie et raison

 

Cette chanson, célébrant l'alliance, dans la liberté et la gaÿeté (comme on écrivait à l'époque), que font régner les maçons entre la raison et la folie, figure à un feuillet manuscrit (recto-verso) qui fait partie du Fonds Gaborria détenu par la médiathèque de la Communauté Urbaine d’Alençon.

Nous n'en connaissons pas d'autre exemplaire.

Sont mentionnés sous le texte les date, lieu et circonstances de l'interprétation de cette chanson : le 9e jour du 9e mois 5806 (9 novembre 1806) à l'Orient de Zara, en Dalmatie, inauguration du nouveau local.

La Loge Eugène Napoléon de Zara (Zadar)

La Dalmatie, ancienne possession de la République de Venise annexée par l'Autriche en 1797 à la suite du traité de Campoformio, avait été cédée au royaume d'Italie (sous tutelle française) en fin 1805 par le Traité de Presbourg, à la suite de la guerre de la Troisième Coalition.

On peut lire ici que :

Le 21.3.1806, la Loge Eugen Napoléon fut fondée à Zadar avec comme nom français Loge de Saint Jean de Jérusalem Franco-Dalmato sous le titre distinctif d'Eugène Napoléon (NDLR : en hommage à Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie) à l'Orient de Zara. Cette loge travailla sous la protection du Grand Orient de l'Italie à Milan jusqu'en 1809, puis sous la protection du Grand Orient de France à Paris. Le Règlement de la Loge fut publié le 7 janvier 1808 avec un tirage de 600 exemplaires. Outre les trois niveaux connus, ils avaient un niveau de Chevalier de la Croix Rose. La langue de la Loge fut le français et l'italien. La loge travailla jusqu'en 1813 (NDLR : c'est-à-dire jusqu'au retour des Autrichiens) et eut plus de trente frères.

On voit ici que Coupé de Saint-Donat en fut membre.

On peut supposer que Gaborria, qui séjournait à cette époque en Italie et qui était un maçon très actif, avait fait le déplacement pour la circonstance. Mais il n'indique pas qui avait écrit la chanson : est-ce lui-même, ou bien a-t-il pris note de ce qu'il avait entendu (mais dans un tel cas il eût sans doute aussi veillé à noter le nom de l'auteur) ?

Nous n'avons trouvé nulle part la moindre référence à un air (dont rien n'incite à penser qu'il puisse s'agir de la Romance de Daphné, dont ne correspond ni le texte ni la métrique) l'autre jour la jeune Daphné ni même un jour la jeune Daphné ; pourrait-il s'agir d'une confusion avec un des nombreux airs commençant par l'autre jour mentionnés par la Clé du Caveau ? La métrique particulière (8686556556) pourrait peut-être aider à cette recherche.


 air l'autre jour la jeune Daphné

 

 

L'autre jour cherchant le refrain
 d'une chanson de table 
laissant à la décence un frein 
qui la rend plus aimable
je voulais pourtant
chanter un moment
les plaisirs, la folie,
eh bien ! sois maçon,
me dit la raison ;
car chez eux, tout s'allie.

 

 

 

 

J'en doutais ; le doute ici bas
fut au coeur d'un apôtre ;
à vos banquets je n'avais pas
vu s'asseoir l'une et l'autre ;
mais pour cette fois,
je les vois, ... je crois, ...
et mon âme ravie,
chante le maçon
duquel la raison
à la gaÿeté s'allie.

 

 

 

 

Ivres de joie et non de vin,
remplissons donc nos verres ;
Ensemble, la tasse à la main
trinquons tous à nos frères ;
trinquons et chantons,
Vivent les maçons,
chez lesquels on allie
piquante gaÿeté,
sage liberté,
raison, grâce, et folie.

 

 

 

 

 

le 9e jour du 9e mois 5806 à l'Orient de Zara, en Dalmatie, inauguration du nouveau local.

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