La Fusion

 

Ce feuillet de 4 pages, dont deux vierges (notice n° FRBNF30208490) figure au catalogue de la BNF sous la cote YE-54641 et a été mis en ligne par elle.

La Fusion, cantique maçonnique, chanté au banquet de la Respectable Loge Isis-Montyon, le 14e jour du mois de adar 5850. 

Comme souvent à l'époque, cette date d'adar 1850 est un mixte de la datation maçonnique et de la datation juive. La date profane est mentionnée : le 14 février 1851.

Le signataire, P. Cauzard, était le Vénérable de cette loge. Selon le fichier Bossu, il était bijoutier (peut-être l'auteur en 1869 de l'ouvrage Barême du fabricant et marchand bijoutier en or ?) et, maçon déjà en 1848, il eut une riche carrière maçonnique (au moins jusqu'en 1866) dans sa loge et au Grand Orient.

Il plaide vigoureusement pour qu'enfin cessent les minables disputes, si nuisibles (cfr couplet 4) au devoir social de la maçonnerie, entre le Grand Orient et le Suprême Conseil écossais, dont il souhaite ardemment la fusion.

Le contexte historique : le rêve de la fusion.

N'oublions pas que peu de temps auparavant, en 1848, cet espoir avait trouvé un début de concrétisation par la création de la Grande Loge nationale de France, dont un des objectifs était selon Rebold la fusion entre les deux pouvoirs rivaux qui se disputent le gouvernement maçonnique en France depuis un demi-siècle. On lisait dans son manifeste (outre le slogan Plus d'antagonisme d'obédiences !) que :

L'union seule fait la force, seule elle permet aux hommes d'amener à bien les conceptions de l'intelligence et du génie. Par elle tout est faisable, sans elle rien n'est possible ... les maçons doivent tout faire pour arriver à cette union, qui seule peut les grandir et leur rendre parmi les institutions humanitaires la place à laquelle ils ont droit, et que l'antagonisme des rites et des obédiences leur ont enlevée.

Rappelons que ce projet plein d'idéalisme fut soigneusement torpillé par lesdits pouvoirs rivaux, pour une fois ligués en vue d'abattre l'ennemi commun, dont, sur base de dénonciations calomnieuses, elles obtinrent l'interdiction par le pouvoir politique. C'est précisément en janvier 1851 (un mois avant ce cantique ! ) que les réunions de la Grande Loge nationale de France avaient été interdites par le préfet de police de Paris.

Au couplet 3, l'auteur ne manque pas, comme il était fréquent à l'époque, de rompre une lance contre les jésuites, personnification à ses yeux des hypocrites ennemis de la maçonnerie : De la veuve jamais les enfants  / Ne pourront souffrir les jésuites.

Buvons à l’indépendance du monde est le célèbre Chant des ouvriers (1846) de Pierre Dupont.

   

LA FUSION.

 

C A N T I Q U E      MACONNIQUE,

 chanté au banquet de la Respectable Loge Isis-Montyon, 

le 14e jour du mois de adar 5850. 

 

Air : Buvons à l’indépendance du monde.

 

refrain.

Francs-maçons, chargeons nos canons,
Ensemble chantons ce cantique,
Dussions-nous vider la barrique,
Buvons, buvons, buvons,
A la fusion maçonnique !

 

1.

Bien souvent nous avons regretté
Que dans notre grande famille,
L’on se trouve ainsi divisé
Par quelques simples vétilles,
Ne serions-nous pas plus heureux,
Nous tous, enfans du même père,
Réunis dans le même lieu.
Rangés sous la même bannière ?

Francs-maçons, chargeons, etc.

 

2.

Ouvriers du même atelier,
Conduits par le grand architecte,
Suivons ses plans et son cahier,
Notre tâche sera correcte ;
Choisissons donc bien nos outils,
Assurons surtout notre échelle,
Par le marteau l'on démolit,
Ne nous servons que de truelle.

Francs-maçons, chargeons, etc.

 

3.

Profitant de ce désaccord,
Nos ennemis qui toujours veillent,
Se glissent dans l’ombre, d’abord
Pour mieux nous prendre dans le sommeil ;
Rallions-nous, il n’est que temps,
Pourchassons tous ces hypocrites
De la veuve jamais les enfants
Ne pourront souffrir les jésuites.

Francs-maçons, chargeons, etc.

 

4.

Plus on est, plus on fait de bien,
Entre nous, plus de dissidences ;
Du pauvre nous sommes le soutien,
Abrégeons vite ses souffrances.
Soyons humains et généreux,
Mettons un frein à la misère,
Cherchons les endroits ténébreux,
Pour y répandre la lumière.

 

Francs-maçons, chargeons nos canons,
Ensemble, chantons ce cantique,
Dussions-nous vider la barrique,
Buvons, buvons, buvons,
A la fusion maçonnique !

FIN.

14 février 1851.                    

        P. Cauzard, 

Vénérable de la Respectable Loge Isis-Montyon.

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