Le merci des maçons polonais au grand Napoléon

Cette pièce est le n° II du recueil Pieśni wolnomularskie (chants maçonniques) publié à Varsovie par Elsner en 1811.

Chant, hommage au Grand Napoléon - chanté pour la 1ère fois dans la loge du Temple de la Sagesse en février 1807, musique du Frère Elsner

La Providence veille sur nous,
La Patrie sera relevée,
Accueillons avec des larmes de tendresse
Le Grand Napoléon.

Nous comptons des jours heureux 
Depuis qu'il dit les mots du Créateur :
Douze ans durant tu n'étais rien ?
Pologne ! Je te donnerai une existence nouvelle.

Déjà sur les bords de la Varta et de la Vistule 
A brillé son glaive vainqueur ;
Unissons nos esprits,
Nous souvenant des défaites passées.

Telle une divinité pleine de bonté,
Qui secourt le misérable,
Il coupera court à l'orgueil des envahisseurs,
Et brisera nos chaînes.

Exprimons en choeur notre gratitude,
Que vive la défense de la Pologne,
Que les générations futures vénèrent
Le Grand Napoléon.

(merci à Monika pour la traduction)

Si l'on peut s'étonner de la démesure des témoignages d'enthousiasme - mais n'étaient-ils pas souvent de commande ? - multipliés dans les Loges françaises au Grand Napoléon, on comprend plus facilement que les Polonais aient vu en lui le libérateur qui mettrait fin aux oppressions dont ils étaient régulièrement les victimes.

Dix ans après qu'ait eu lieu le dernier partage de la Pologne, c'est effectivement en libérateurs que furent accueillis les soldats de Napoléon. Et c'est effectivement à la suite de ses victoires que la Pologne retrouva une certaine liberté, concrétisée par la fondation en 1807 du grand-duché de Varsovie.

Le général napoléonien Jan Henryk Dombrowski était d'ailleurs un Frère très actif, fondateur de plusieurs Loges - contenant de nombreux officiers polonais en exil - pendant ses campagnes en Italie, et plus tard en Pologne après qu'il y fût rentré. La renaissance de la maçonnerie polonaise à partir de 1806, suivie de la création en 1810 d'un Grand Orient National, se fit sous l'égide du Grand Orient de France. 

Il faut savoir que l'hymne national polonais lui-même, qui date de 1797 et était le Chant des Légions polonaises en Italie, rend hommage à Bonaparte : Nous serons Polonais / Bonaparte nous a donné l'exemple / Comment nous devons vaincre.

ci-dessus : Napoléon remet la Constitution au Grand-duché de Varsovie (1807). Peinture de Marcello Bacciarelli

à droite : Statue de Napoleon à Varsovie

Comme le narre Anna Kuligowska-Korzeniewska dans son article The Apotheosis of Napoleon in the National Theatre in Warsaw (1807) paru dans les Canadian Slavonic Papers), les troupes françaises étaient entrées à Varsovie le 27 novembre 1806. Le 2 décembre 1806, pour le 2e anniversaire du couronnement de Napoléon, fut repris l'opéra (créé en 1804) de Dmuszewski et Elsner, Mieszkancy wyspy Kamtakal (Les habitants de l'île de Kamtakal), titre auquel fut ajouté pour la circonstance czyli Wylajiowanie Francuzów (ou le débarquement français). Le 18 janvier 1807, en présence de l'empereur lui-même, fut créé l'opéra d'Osinski et Elsner (auteurs également d'une cantate en son honneur, interprétée ensuite), Andromeda, où Persée (symbolisant Napoléon) délivre Andromède (personnifiant la Pologne). 

Quelques jours plus tard, le cantique ci-dessus, également mis en musique par Elsner, est un autre témoignage, maçonnique cette fois, de cette enthousiaste reconnaissance.

La Loge Swiatynia Madrosci (le Temple de la Sagesse), qui avait été fondée en 1805, fut la première à travailler en polonais malgré que cette langue ait été interdite après le partage de la Pologne en 1795 entre Prusse, Autriche et Russie, partage qui avait fait disparaître jusqu'au nom du pays.

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