Réception

cliquez ici pour entendre une des possibilités recensées pour l'air, le n° 292 de la Clé du Caveau

C'est sur une page du très riche site Poèmes satiriques du XVIIIe siècle que nous avons trouvé, recopié du T. 3 de l'Histoire de France par les chansons de Barbier et Vernillat, ce texte de 1744 (ancienneté dont témoigne l'orthographe d'époque Fre-maçon), intitulé Réception d’un Fre-maçon et qui est bien dans l'esprit des divulgations de cette époque.

On y voit que certaines pratiques ayant existé, ou existant encore actuellement, dans le rituel de réception, étaient déjà en vigueur à ce moment. C'est le cas (cfr couplet 3) du cabinet de réflexion (ici encore dans l'obscurité). On trouve déjà en 1745 dans l'Ordre des francs-maçons trahis la phrase Alors on lui met un bandeau sur les yeux, & on l'abandonne à ses réflexions pendant environ une heure.

Voyant une grande lumière / Il est tout saisi / Quand la poudre fait un grand bruit fait sans doute référence à la torche qui produira une grande flamme pour laquelle on utilisait naguère la pipe à lycopode, maintenant interdite en France pour des raisons de sécurité.

Auparavant, voyons la mamelle, Chose nécessaire ! C'est un secret sûr Pour savoir s'il n'est point femelle, Et par ce moyen, Son sexe nous sera certain fait évidemment allusion à l'usage du sein découvert.

On peut s'étonner que le profane soit dès l'abord déjà qualifié de Frère.

Le dernier couplet est évidemment assez perfidement ironique dans la mesure où il donne à entendre que les vrais secrets (y en aurait-il ?) de la maçonnerie ne sont accessibles que moyennant finances ... Au début du siècle suivant, Delorme, dans sa satire Les faux-maçons, ne dira-t-il pas Point d'argent, point de frère ? Et, de nos jours, n'entend-on pas parfois, en réponse à une question connue, l'ironique réponse : mon Trésorier me reconnaît comme tel ?

Réception d’un Fre-maçon

Je viens devant vous 
A deux genoux, je viens Grand Maître,
Dans l'intention
Qu'on me reçoive fre-maçon.
— Avez-vous la vocation,
Répondez-moi, Frère ?

Je serais charmé
Si j'étais reconnu pour frère,
Je serais charmé
Si vous voulez m'associer.
— Que d'entre vous un de nos chers frères
Instruise ce frère.

Bandez-lui les yeux
Avant qu'il ne voie la lumière,
Bandez-lui les yeux :
Qu'on le renferme une heure ou deux.
Faites toutes vos réflexions,
Ne craignez rien, frère.

L'épée à la main,
Faites sentinelle à la porte,
L'épée à la main,
Faites office de gardien.
Qu'on le fasse sortir de prison,
Allons, venez, frère !

Le frère sorti,
Tout chancelant marche à tâtons :
Le frère sorti,
Le Très Vénérable lui dit :
— Apprêtez-vous à de grands mystères,
Regardez bien, frère.

Voulez-vous quitter
Les ténèbres pour la lumière?
Voulez-vous quitter
Le profane pour le sacré?
Par ordre, le bandeau est ôté
A ce pauvre frère.

Il est tout saisi
Voyant une grande lumière,
Il est tout saisi
Quand la poudre fait un grand bruit.
De toutes parts des épées tirées
Effraient le frère.

Il n'est rassuré
Que quand la poudre est consommée,
Il n'est rassuré
Que quand le grand bruit a cessé.
Lors, découvrant selon la manière
Le genou du frère :

— Dessus le carreau,
Mettez-vous à genou mon frère,
Et dans un instant
Vous prononcerez le serment. 
Auparavant, voyons la mamelle, 
Chose nécessaire !

C'est un secret sûr
Pour savoir s'il n'est point femelle,
Et par ce moyen,
Son sexe nous sera certain.
Que la jambe droite soit en l'air,
Étendez-vous, frère !

Faites apporter
Le livre de tous nos mystères !
Vous, frère, jurez
De ne jamais rien révéler.
Il est encor quelque chose à faire
Qu'on apprend au frère.

Dessus le plancher,
On a fait graver une équerre ;
Aux extrémités,
On a placé trois chandeliers.
— D'un côté vous voyez un grand B,
De l'autre un grand X,

Ce sont les degrés
De l'ancien temple de Judée,
Ce sont les degrés
Qu'on a placés pour y monter,
Vous allez savoir dans un instant
Le secret des frères.

Quand vous les verrez,
Saluez-les toujours en frère,
Quand vous les verrez,
A ça vous les reconnaîtrez.
Il est encor de plus grands mystères,
Qu'on apprend au frère.

Pour y parvenir,
Allez trouver le secrétaire,
Mettez dans sa main
Deux louis, vous le saurez soudain.

Le timbre mentionné est Je viens devant vous qui doit être l'air dit du Confiteor dont l'incipit est Mon père, je viens devant vous et dont on connait diverses versions.

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