Dans leurs sombres cavernes

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Cliquez ici pour entendre un extrait de l'air original, par la soprano Georgette Spanellys accompagnée par Richard Blareau et son orchestre (CD : Accord OPERETTE SERIES 465 883-2 ou Carrère 67 696)

 

Créée en 1872 à Bruxelles avant de triompher à Paris, l'opérette La Fille de Madame Angot de Charles Lecoq (1832-1918) connut un succès de longue durée. Il n'est donc pas étonnant que, comme cela s'était déjà abondamment fait au XVIIIe siècle, des maçons se soient rapidement emparés d'un air aussi entraînant que celui de l'acte I intitulé Marchande de marée pour y greffer d'autres paroles. On trouve celles-ci (ironisant sur des thèmes classiques dans les fantasmes de la littérature anti-maçonnique, et datées de 1876) au recueil de chansons de Karl Grün, publié en 1879, et leur succès ne s'est pas démenti depuis ... 

ci-contre : (en haut) Charles Lecoq - (en bas) Karl Grün

D'origine allemande (il ne sera naturalisé belge qu'en 1883), né à Mayence, Karl GRÜN (1843-1890), après avoir fait ses études à l'Athénée de Bruxelles (où son père Karl, 1817-1886, démocrate ami de Proudhon, vit alors en exil et deviendra maçon aux Amis du Progrès), sort à 19 ans docteur en sciences naturelles de l'U.L.B. puis passe à l'Université de Tübingen. Botaniste de renom (il sera fondateur de la Société royale de botanique de Belgique et directeur du jardin botanique de Liège), il a aussi exercé les professions de chimiste, de pharmacien (diplômé de l'Université de Liège en 1866) et d'enseignant (à Verviers), successivement en arboriculture et en littérature française, ce qui montre bien la variété de ses talents.

Dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement catholique Malou, un arrêté royal le destitue de ses fonctions à l'Ecole normale, la veille de la rentrée de 1884. Conseiller provincial (libéral progressiste) de 1886 à 1890, il envisage aussi de partir à l'étranger (Congo, Mexique, Japon) ; peu de jours avant sa mort, il reçut sa désignation comme professeur de sciences à l'Université Santa-Fé de Bogota (Colombie). 

Il fonda en 1878 le Caveau verviétois auquel il consacra une grande partie d'une production littéraire aussi abondante que variée (théâtrale, politique, scientifique, poétique, ...) et que polyglotte. On peut lire en 1878 dans le journal parisien La Chanson :

... le zélé et sympathique président K. Grûn a déclamé une poésie : Mes adieux à Stoumont, écrite avec la science qu'on lui connaît et sous l'empire d'une verve qu'activaient encore des souvenirs d'excursionniste botaniste enragé.

Initié en 1864 à la Parfaite Intelligence et l'Etoile Réunies, il y fut Orateur et Surveillant, ainsi que Grand Orateur du Grand Orient de Belgique. En 1873, il s'affilie au Travail de Verviers, dont il sera 5 fois le Vénérable. 

Son fils Francis (1870-1946), industriel et homme politique libéral, fut deux fois Vénérable du Travail

1.

Dans leurs sombres cavernes
On voit les francs-maçons,
Sous l’éclat des lanternes
Danser des rigodons.
Puis au sein des ténèbres
Ils mangent tout vivants,
Dans des banquets funèbres
De beaux petits enfants ... Haha ... 

Refrain :

Laissez dire
Laissez rire
De nos étranges façons !
Sur la terre
Tout entière
Commandent les francs-maçons

2.

Les maçons, c’est visible
Sont des gens sans honneur.
Leur morale nuisible
Doit pervertir le coeur.
Dans leurs tristes demeures,
Je le dis in petto
Parfois jusqu’à deux heures
On joue au domino
(1) ... Haha ...

Refrain 

(1) Selon un historien (C. D.) de la maçonnerie verviétoise, cette allusion s'expliquerait de la manière suivante : en 1775, avait été créée à Verviers une société savante (qui prit en 1803 le nom de cabinet littéraire et qui existe toujours) dont les associés étaient, en bonne partie, des membres des Loges de la région. On y lisait des livres (notamment l'Encyclopédie) et journaux, mais on s'y livrait aussi beaucoup à une occupation plus ludique : le jeu de dominos (de nos jours, on y joue plutôt au bridge).
 3.

Leur chef, dit Vénérable,
Est un affreux coquin
Qui fit avec le diable
Un accord clandestin.
Il lui porte des âmes
A roussir dans l’enfer
Pour quelques francs infâmes
Fondus par Lucifer ... Haha ...

Refrain 

 

 

4.

Regardez donc la mine
De ces affreux bandits !
Le bonheur illumine
Les frères réunis.
Ces citoyens honnêtes
Ne feraient point de mal
Aux plus nuisibles bêtes,
Ministre ou Cardinal ... Haha ... 

Refrain 

5.

Il me reste à vous dire
Mesdames, quelques mots :
Vous n’avez plus à rire,
Etant de nos complots.
Si nous allons au diable,
Vous irez avec nous,
Quelle fête agréable
Quand nous rôtirons tous ... Haha

Refrain 

Cette chanson a été reprise dans le recueil de Dejardin en 1901 sous le titre Ces infâmes Francs-Maçons !!! 

Le dernier couplet rappelle une chanson de Pierre Lachambeaudie.

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