Sur des gants de franc-maçon

Comme l'Almanach des Grâces, les Etrennes de Polymnie ou les Etrennes Lyriques anacréontiques, l'Almanach des Muses était un de ces recueils annuels de poésies et chansons qui se sont multipliés à la fin de l'Ancien Régime et pendant les années suivantes.

On trouve occasionnellement, dans de tels recueils, l'une ou l'autre chanson maçonnique.

C'est à la page 60 de l'édition de 1780 que nous avons trouvé ce texte intitulé Sur des gants de franc-maçon, que nous avons trouvé intéressant de reproduire ici, même s'il n'est aucunement certain qu'il fût destiné à être chanté.

Comme un autre de ce site, ce texte fait évidemment allusion à l'usage - généralement encore en vigueur de nos jours - de remettre au nouvel initié deux paires de gants blancs, l'une destinée à son propre usage en Loge, l'autre qu'il a pour mission d'offrir à la personne qui lui soit la plus chère.

SUR DES GANTS DE FRANC-MAÇON.

PAssé dans les mains de Glycere
heureux symbole de candeur ; 
aux profanes regards oppose une barriere, 
& tombe quelquefois au gré de mon ardeur. 
Ce don, belle Glycere, est pur comme ton cœur ;
j'en atteste un serment que la sagesse avoue :
j'en jure par mon tablier ;
qu'avec horreur on le dénoue,
si je puis jamais t'oublier !
Oui, ces gants ont un prix que le vulgaire ignore ;

ce gage sacré de ma foi
n'est dû qu'à la beauté que la vertu décore :
je courois grand risque, sans toi,
de le garder long-tems encore.

PAR M. DE LA LOUPTIERE.

Selon Le Bihan dans son ouvrage Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France), Jean-Charles de Relongue, Chevalier de la Louptière (1724-1784), était membre des Neuf Soeurs en 1778.

On trouve (p. 280) au volume 2 de l'ouvrage (1772) de l'abbé Antoine Sabatier de Castres, Les trois siècles de notre littérature ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I jusqu'en 1771, la notice suivante à son sujet :

LOUPTIERE , [ Jean-Charles Relongue De La ] de l'Académie de Châlons, & de celle des Arcades ce Rome , né dans le Diocèse de Sens, en 1727.

Le Recueil de ses Poésies n'a pas été accueilli du Public, aussi favorablement qu'il le méritoit. Peut-être l'influence du Mercure, dans lequel elles ont paru successivement, a-t-elle contribué à ce peu de succès. Le dégoût qu'occasionnent les ouvrages médiocres qui fourmillent dans ce Journal, est très-propre à nuire aux bonnes Pièces qui y paroissent de tems en tems. Tel est l'effet de la mauvaise Compagnie. Malgré cela, la Muse de M. de la Louptiere doit être distinguée de la foule de ces Muses mesquines qui osent s'y montrer tous les mois. Elle est assez communément, noble, facile, ingénieuse, tendre & délicate. Ce qui la rend plus estimable encore, c'est de ne s'être point laissé corrompre par le faux air du Bel-esprit, ou le ton précieux de sentence, si fort en vogue aujourd'hui. On voit, au contraire, qu'elle s'est appliquée à se former sur les Anciens, & sur les bons modèles du Siècle dernier. On desireroit seulement qu'elle fût plus pittoresque & plus vigoureuse.

Dans le Tome 2 de son Précis historique de l'ordre de la franc-maçonnerie, Bésuchet donne à son sujet la notice suivante, où il mentionne le texte qui fait l'objet de la présente page :

LOUPTIÈRE (Jean-Charles de Relongue de La), poète aimable et gracieux, naquit au château de la Louptière, près de Sens, le i6 juin 1727, et mourut à Paris en 1784. Il a donné des poésies et oeuvres diverses, Paris, 2 vol. in-12, 1768 et 1774. La Louptière appartenait à la loge des Neuf Soeurs. On trouve dans le Miroir de la vérité (vol. 2, page 46) de jolis vers adressés à sa bien-aimée en lui faisant hommage des gants qu'il avait reçus le jour de sa réception dans notre ordre.

Quelques vers de lui peuvent être trouvés sur le web, par exemple A une dame qui me demandait un rondeau ou, dans une riche page consacrée à la chanson du vieillard philosophe, une épigramme sur Voltaire et L'Attaignant.

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