Lachnitt

Ludwig Wenzel Lachnitt (ou Lachnith ; 1746-1820) était un corniste, pédagogue et compositeur tchèque installé en France en 1773.

Selon Pierre-François Pinaud dans son article Les musiciens d’église francs-macons à Paris 1790-1815 L’exemple des organistes, il fut membre de la Loge des Neuf S½urs de 1806 à 1809, puis de la Loge La Trinité de 1809 à 1820.

Voici ce qu'en dit Fétis dans son T. 5 :

LACHNITH (Louis-Wenceslas), fils de François Lachnith, bon musicien attaché à l'église des Jésuites de Prague, naquit en cette ville, le 7 juillet 1746, et non en 1756, comme il est dit dans le Dictionnaire historique des musiciens de Choron et Fayolle, et dans la Biographie universelle des contemporains. Après avoir appris de son père les éléments de la musique, il prit chez différents maîtres des leçons de violon, de clavecin et de cor ; ce dernier instrument fut celui sur lequel il acquit le talent le plus distingué. D'abord employé dans la musique du duc de Deux-Ponts, non en qualité de maître de chapelle, comme on le dit dans les ouvrages cités précédemment, mais comme simple musicien, il se rendit à Paris en 1773, y perfectionna son jeu sur le cor, sous la direction de Rodolphe, et se fit entendre plusieurs fois avec succès au concert spirituel. Sa mauvaise santé l'obligea ensuite à cesser de jouer de cet instrument. Philidor devint son maître de composition en 1776. Vers le même temps il commença à se faire connaître comme professeur de clavecin, et forma de bons élèves. Ses premières productions pour le théâtre furent : 1° L'heureux Divorce, ou la Réconciliation, opéra-comique en un acte, représenté le 25 juin 1785. — 2° L'Antiquaire, parodié sur la musique d'Anfossi, au théâtre de Monsieur, en 1789. — 3° Eugénie et Linval, ou le mauvais fils, en deux actes, au théâtre Montansier, 1798. Plus tard Lachnith écrivit pour l'Opéra un grand ouvrage en trois actes intitulé : Les fêtes lacédémoniennes ; mais il ne put jamais en obtenir la représentation. Ses autres travaux dramatiques n'ont consisté qu'en pastiches et traductions. C'est ainsi qu'il a dénaturé La Flûte enchantée, de Mozart, dans une monstrueuse compilation intitulée : Les Mystères d'Isis. Saül et la Prise de Jéricho, pastiches du même genre, ont été arrangés par lui, en collaboration avec Kalkbrenner (père), sur des morceaux puisés dans les ½uvres des maîtres les plus célèbres. Lachnith a écrit pour la musique instrumentale : 1° Six symphonies à grand orchestre pour les concerts de la Loge olympique ; elles sont restées en manuscrit. — 2° Six symphonies à 10 parties, op. 1 ; Paris, Sieber. — 3° Trois idem, op. 4 ; ibid. — 4° Trois idem, op. 11 ; ibid. — 5° Six quatuors pour 2 violons, alto et basse, op. 7 ; ibid. — 6° Six idem pour deux violons , alto et basse, non publiés. — 7° Six trios pour deux violons et basse ; ibid. — 8° Trois concertos pour cor et orchestre, inédits. — 9° Trois trios pour clavecin, violon et violoncelle, op. 2 ; Paris, Boyer. — 10° Six sonates pour clavecin et violon, op. 3 ; Paris, Sieber. — 11° Six idem, op. 14 ; ibid. — 12° Six idem, op. 15 ; ibid. — 13° Trois idem, op. 16 ; ibid. — 14° Trois idem, op. 20 ; ibid. — 15° Plusieurs pièces détachées pour le piano et pour la harpe. — 16° Méthode ou principe général du doigter pour le forte-piano (avec Adam) ; Paris, Sieber. Il a aussi arrangé huit ½uvres de quatuors de Pleyel pour piano, violon et violoncelle. Lachnith est mort à Paris, le 3 octobre 1820, à l''âge de soixante-quatorze ans.

On peut aussi voir ici l'op. 9, Trois Concertos de clavecin ou forte piano avec accompagnement de deux violons, alto et basse, flûtes ou hautbois, deux cors ad libitum (Sieber 1785), ici l'op. 6, Trois Simphonies à grande orchestre pour deux violons, un alto, une basse, deux fluttes, et deux cors ad libitum, et ici l'op. 8., Trois Sonates de clavecin ou forte piano avec accompagnement d'un violon (Sieber).

Les Mystères d'Isis

Cet opéra, aménagé par Lachnitt sur un texte de Morel de Chédeville, connut un énorme succès puisqu'il fut représenté pas moins de 130 fois entre 1801 et 1827.

Il a été à nouveau représenté à Paris le 23 novembre 2013. 

ci-contre : décors de l'époque (très influencés par la mode égyptienne résultant alors de l'expédition napoléonienne)

Des Mystères d’Isis on peut trouver :

  • un livret ici

  • une partition complète (éditée par Sieber père) ici ; attention, cette partition ne correspond pas au livret ci-dessus, dont elle utilise une version abrégée

  • un enregistrement, qui est audible en totalité sur youtube.

Un air en a été utilisé par Rizaucourt pour son cantique Sur la mort d'un Frère.

Berlioz et Lachnith 

Dans le chapitre 16 de ses mémoires, Berlioz, dans son style imagé, s'insurge vigoureusement contre les arrangements qui avaient été faits à l'Opéra de Paris par Castil-Blaze pour Weber et par Lachnith pour Mozart :

C’était pour assurer aussi le succès de la Flûte enchantée, de Mozart, que le directeur de l’Opéra, plusieurs années auparavant, avait fait faire le beau pasticcio que nous possédons, sous le titre de : les Mystères d’Isis. Le livret est un mystère lui-même que personne n’a pu dévoiler. Mais, quand ce chef-d’½uvre fut bien et dûment charpenté, l’intelligent directeur appela à son aide un musicien allemand pour charpenter aussi la musique de Mozart. Le musicien allemand n’eut garde de refuser cette tâche impie. Il ajouta quelques mesures à la fin de l’ouverture (l’ouverture de la Flûte enchantée !!!), il fit un air de basse avec la partie de soprano d’un ch½ur en y ajoutant encore quelques mesures de sa façon ; il ôta les instruments à vent dans une scène, il les introduisit dans une autre ; il altéra la mélodie et les desseins d’accompagnement de l’air sublime de Zarastro, fabriqua une chanson avec le ch½ur des esclaves « O cara armonia, » convertit un duo en trio, et comme si la partition de la Flûte enchantée ne suffisait pas à sa faim de harpie, il l’assouvit aux dépens de celles de Titus et de Don Juan. L’air « Quel charme à mes esprits rappelle » est tiré de Titus, mais pour l’andante seulement ; l’allegro qui le complète ne plaisant pas apparemmment à notre uomo capace, il l’en arracha pour en cheviller à la place un autre de sa composition, dans lequel il fit entrer seulement des lambeaux de celui de Mozart. Et devinerait-on ce que ce monsieur fit encore du fameux « Fin ch’han dal vino, » de cet éclat de verve libertine où se résume tout le caractère de Don Juan ?... Un trio pour une basse et deux soprani, chantant entre autres gentillesses sentimentales, les vers suivants :

Heureux délire ! 
Mon c½ur soupire ! 
Que mon sort diffère du sien !
Quel plaisir est égal au mien ! 
Crois ton amie 
C’est pour la vie 
Que mon sort va s’unir au tien. 
O douce ivresse 
De la tendresse 
Ma main te presse 
Dieu ! quel grand bien ! (sic) 

Puis, quand cet affreux mélange fut confectionné, on lui donna le nom de les Mystères d’Isis, opéra ; lequel opéra fut représenté, gravé et publié en cet état, en grande partition ; et l’arrangeur mit, à côté du nom de Mozart, son nom de crétin, son nom de profanateur, son nom de Lachnith que je donne ici pour digne pendant à celui de Castil-Blaze ! 

Ce fut ainsi qu’à vingt ans d’intervalle, chacun de ces mendiants vint se vautrer avec ses guenilles sur le riche manteau d’un roi de l’harmonie ; c’est ainsi qu’habillés en singes, affublés de ridicules oripeaux, un ½il crevé, un bras tordu, une jambe cassée, deux hommes de génie furent présentés au public français ! Et leurs bourreaux dirent au public : Voilà Mozart, voilà Weber ! et le public les crut. Et il ne se trouva personne pour traiter ces scélérats selon leur mérite et leur envoyer au moins un furieux démenti !

Dans un article publié sur son riche blog Pierres vivantes, Roger Dachez émet, sur base d'éléments précis du livret (Le théâtre ... représente un sombre et profond souterrain destiné aux épreuves du feu, de l'eau et de l'air), l'hypothèse que l'introduction en France, à partir de 1820, des 4 éléments dans les rituels maçonniques pourrait être un résultat du succès des Mystères d'Isis.

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