Erskine

En cliquant ici, vous entendrez un extrait de Death is now my only treasure, interprété par la soprano Mhairi Lawson avec le Concerto Caledonia dirigé par David McGuinness (CD Fiddler Tam, CKD 240 Linn Records)

 

Né d'un père ayant connu la prison pour avoir soutenu les Jacobites lors de la révolte de 1745 et de la fille du célèbre physicien et poète jacobite Archibald Pitcairn, Thomas Alexander Erskine (1732-1781) porta les titres de Lord Pittenweem (de 1739 à 1756), Vicomte Fenton et, à partir de 1756, sixième comte de Kellie (Kelly). Mais il décida de vouer sa vie à la musique plutôt qu'aux obligations de ce titre ou à la gestion de son patrimoine (en 1769, il vendit d'ailleurs toutes les propriétés familiales, à l'exception du château).

C'est probablement le chapelain de son père qui lui donna ses premières leçons de violon, instrument dont il devint un tel virtuose qu'il fut surnommé Fiddler Tam (Tom le violoneux). 

Il étudia à la Royal High School d’Edimbourg de 1743 à 1745, année de l'emprisonnement de son père. Vers 1752 il entreprit un voyage sur le continent, où il étudia le violon à Mannheim avec Johann Stamitz.

A la mort de son père en 1756, il hérite du titre de comte de Kellie et rentre en Écosse. Il partagera ensuite sa vie entre Londres et Edimbourg.

Actif de longue date à la Edinburgh Musical Society, il en devient gouverneur adjoint en 1767, et comme violoniste soliste dirige les concerts du Saint Cécilia Hall.

Célibataire (c'est un de ses frères qui héritera du titre) et bon vivant, il mena une vie de bâton de chaise et de buveur impénitent (le dramaturge Samuel Foote lui suggéra même un jour de mettre son nez rouge dans sa serre afin de faire mûrir ses concombres). Il fonda même un club (évidemment masculin !) de joyeux buveurs.

Sa santé s'en ressentit ; après une cure à Spa, un accident de santé le paralysa et l'obligea, au cours de son voyage de retour, à s'arrêter à Bruxelles, où il décéda de ce qu'on appelait à l'époque une fièvre putride (c'est-à-dire, si nos renseignements sont exacts, du typhus à poux).

Comme compositeur, il fut internationalement célèbre de son temps - on le joua notamment à New York, à Saint-Petersbourg et à la Jamaïque -, puis totalement oublié, et ce n'est que récemment qu'on a commencé à rendre justice à sa place importante parmi les compositeurs britanniques du XVIIIe. Beaucoup de ses oeuvres sont perdues : parfait dilettante, après les avoir écrites (avec une étonnante rapidité) pour tel ou tel interprète, il lui en faisait cadeau sans plus s'en préoccuper.

Membre de la Loge londonienne Nine Masons, Erskine fut de 1760 à 1766 le Grand Maître de la Grande Loge des Antients (pourtant très peu aristocratique, mais qui avait rapidement - dès 1756, alors qu'elle avait été fondée en 1751 - compris qu'elle avait intérêt à porter un aristocrate à sa tête), tout en étant de 1763 à 1765 celui de la Grande Loge d’Écosse. Il faut remarquer qu'un tel cumul - sans doute destiné à marquer la solidarité des deux institutions contre l'ennemi commun, les Moderns - n'était pas exceptionnel à l'époque : ce fut aussi le cas de John Murray, 3e duc d'Atholl (Grand Maître des Ancients de 1771 à 1774 et de la Grande Loge d'Ecosse en 1773–4) et de son fils John Murray, 4e duc d'Atholl (Grand Maître des Ancients de 1775 à 1781 et de 1791 à 1813 et de la Grande Loge d'Ecosse de 1778 à 1780).

Testament philosophique ?

Death is now my only treasure
Death is all the Gods can give
Fate can’t rob me of this pleasure
None can force the wretch to live 

Fear no more to pine and languish
Fear no more the rack of life
Pain and torture, toil and anguish 
Death shall end the feverish strife 

La mort est maintenant mon seul trésor
La mort est tout ce que les Dieux peuvent donner
Le sort ne peut me priver de ce plaisir
Personne ne peut obliger le malheureux à vivre.

Ne crains plus de dépérir et languir
Ne crains plus les tourments de la vie
La peine et la torture, la douleur et l'angoisse
La mort mettra un terme aux fiévreux conflits.

C'est à Bruxelles et à l'article de la mort qu'Erskine composa l'aria de concert Death is now my only Treasure, dont vous pouvez entendre un extrait, et lire le texte ci-dessus. Certains commentateurs considèrent cette oeuvre comme d’inspiration maçonnique et même comme une interprétation personnelle du rituel du troisième degré

Nous considérons pour notre part de telles interprétations - ou faut-il dire récupérations ? - comme abusives : à nos yeux, le texte n'est rien de plus que celui d'un grand malade qui sait que ses jours sont comptés et qu'il sera bientôt mis un terme aux souffrances qu'il endure, et qui l'exprime avec beaucoup de dignité humaine. 

Citation

Ce que l'on nomme fermeté chez un roi s'appelle entêtement chez un âne

Thomas Erskine

Merci à JCB, qui a attiré notre attention sur ce compositeur et nous a documenté sur lui.

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