Amédée DUBOIS

 

Amédée DUBOIS (1818-1865) fait ses débuts musicaux à l'école de musique de sa ville natale, Tournai, avant d'être admis en 1836 au conservatoire de Bruxelles, où il remportera en 1839 un premier prix de violon.

Il gagne ensuite Paris, s'y fait apprécier dans les concerts et les salons (où, selon Fétis, il est recherché pour son talent gracieux), et devient soliste dans l'orchestre du Casino Paganini (qui, inauguré en novembre 1837, sera déjà en faillite quatre mois plus tard). Il se produit également dans diverses villes en France, en Allemagne et en Hollande.

En 1852, il se réinstalle à Tournai, où il se marie et prend la direction de l'école communale de musique, à laquelle il se consacre activement et dont il élève le niveau. Il acquiert le statut d'un citoyen respecté, si bien que 3000 personnes assisteront à son enterrement et que la ville lui fera édifier un monument, oeuvre du sculpteur tournaisien Barthélémy Frison (1816-1877).

Il a écrit des airs variés, des fantaisies, des ouvertures et des chœurs, et a publié à Paris quelques pièces pour violon. Mais son oeuvre la plus connue à l'époque est la cantate à la Princesse d’Espinoy, sur un texte d'Adolphe Le Ray, commandée en 1863 pour l’inauguration sur la Grand Place de Tournai de la statue de celle-ci.

Dans Le Ménestrel du 3 février 1856 (p. 4), on peut lire ceci :


 

Nièce du comte de Hornes, Christine de Lalaing, princesse d'Espinoy, épouse du gouverneur de Tournai Pierre de Melun, est un personnage central dans l'histoire et même dans le folklore (ci-contre, le géant la représentant) de Tournai. Elle aurait en effet joué un rôle héroïque dans la défense de la Ville  contre les troupes espagnoles en 1581. 

La ville accueillait à l'époque un grand nombre de calvinistes et était un des principaux centres de résistance à la politique de Philippe II. Afin de faire taire la révolte, le roi envoya Alexandre Farnèse, gouverneur des Pays-Bas, mettre le siège sous les murs de Tournai, au moment où la garnison en était affaiblie par l'absence du gouverneur et d'une grande partie de ses troupes. Il s'en empara le 30 novembre 1581, après un siège de deux mois.

Elle-même protestante, Christine de Lalaing galvanisa le courage des Tournaisiens. On a dit que, après avoir déclaré aux catholiques plutôt me couper en morceaux que de me rendre aux ennemis, elle mettait le feu aux canons et ne craignait pas de s'exposer au plus fort de la mêlée.

En 1861, le conseil communal décida de lui ériger une statue sur la Grand'Place. Oeuvre d'Aimable Dutrieux (1816-1886), elle fut inaugurée en 1863. Notre héroïne protestante y est représentée la hache à la main.

Mais il se trouve que - hasard ou malice ? - la hache est brandie en direction de la cathédrale ! En ces temps de vives tensions entre catholiques conservateurs et libéraux progressistes (au nombre desquels figuraient la majorité des maçons - dont certains allaient d'ailleurs abandonner l'Eglise catholique pour se tourner vers le protestantisme libéral), les catholiques y virent un geste de défi, et on raconte même que, pendant de nombreuses années, la grande procession de Tournai du deuxième dimanche de septembre évita la Grand'Place pour ne pas passer au pied de cette protestante effrontée.

Dans ce contexte, il est peut-être significatif, même s'il n'y avait plus à l'époque de Loge en activité à Tournai, que la conception de la cantate ait été confiée à deux maçons.
 

La symbolique de la statuaire publique semble décidément avoir été à l'époque un abcès de fixation du conflit entre catholiques et libéraux. La même année 1863, était en effet inaugurée à Gand la statue de Jacques van Artevelde (1287-1345), personnage symbole de liberté mais qui (pour des raisons purement politiques) avait été excommunié. Là aussi, une cantate fut créée pour l'inauguration, qui contenait une allusion au fait qu'Artevelde avait réduit à l'impuissance l'orgueil de Rome. Les catholiques s'en froissèrent au point de - malgré la présence du roi Léopold Ier - chahuter la cérémonie en faisant sonner les cloches de toutes les églises pendant l'exécution de la cantate (source : l'article de Jacques Lust, Beaux-arts et franc-maçonnerie à Gand 1867-1940 dans le n° double 62-63, paru en 2007, Franc-maçonnerie et beaux-arts de la revue La Pensée et les Hommes,éd. Espaces de Liberté)

C'est sans doute lors d'un de ses passages à Tournai, au cours d'une de ses tournées dans le Nord de la France, qu'Amédée Dubois fut initié, le 29 novembre 1842, aux Frères Réunis (Loge qui à cette même époque s'enrichit de plusieurs autres musiciens), pour y devenir, simultanément, Compagnon et Maître trois semaines plus tard seulement.

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