Dialogue entre un Maître et un Apprenti 

sur un injuste anathème

 

Sur d'autres pages de ce site, nous faisons écho au conflit survenu en Belgique en 1838 entre l'Eglise catholique et la Franc-maçonnerie. Quelques années plus tard, un conflit du même genre allait survenir en France, aboutissant à la radicalisation laïque du Grand Orient de France. En 1865 notamment, Pie IX excommuniait les maçons.

Une lecture recommandable ...

... celle de l'article Maçonnerie et anticléricalisme en chansons paru en 2019 dans le numéro Franc-maçonnerie et musique - Hommage à Paul Danblon de la revue La Pensée et les Hommes.

C'est manifestement à cette condamnation que répondent deux chansons du recueil d'Orcel, celle ci-dessous (pp. 170-2) et, aux pages suivantes, La Vérité sur l'Ordre maçonnique. Une autre chanson du recueil fait, moins explicitement, allusion au même contexte. A la même époque, un chansonnier profane fait également écho à cette tension. Le thème est constant dans le chansonnier de l'époque, comme en témoignent par exemple une chanson rouennaise de 1888, une chanson mancelle de 1866, et une vigoureuse Marseillaise des Francs-Maçons.

On notera l'attribution supposée de la responsabilité de l'excommunication à l'ennemi traditionnel : l'influence des jésuites.

On trouve (avec un complément de commentaires) une autre version de la même chanson en 1865 dans le chansonnier du Mans.

Nous n'avons pas trouvé trace de l'air mentionné, Au fond d'un monastère.

DIALOGUE

ENTRE UN MAITRE ET UN APPRENTI

sur UN INJUSTE ANATHÈME

Air : Au fond d'un monastère.

L'Apprenti.

Mon Frère, il est donc vrai, le Pontife suprême
Sur l'ordre maçonnique appesantit ses coups...
Quoi ! la voix d'un vieillard nous lance l'anathème ;
Du haut du Vatican elle tonne sur nous.
Méritons-nous, mon Frère,
Cette injuste rigueur ?
La sentence arbitraire
A révolté mon cœur !

LE MAITRE.

Mon Frère, contre nous que peut cette sentence ?
Par ce vain bruit le monde à peine est agité...
Restons calmes et forts de notre conscience,
Et pratiquons toujours la loi de Charité.
La haine et la vengeance
N'entrent pas dans nos mœurs ;
L'esprit de tolérance
Les bannit de nos cœurs !

L'Apprenti.

Mais on nous calomnie, on nous traite d'infâmes ;
Nous sommes signalés comme un objet d'horreur ;
Sans cesse, contre nous pour exciter nos femmes,
On sème en leur esprit le trouble et la terreur !

Méritons-nous, etc.

LE MAITRE.

Frère, laissons gronder ces foudres d'un autre âge ;
Soyons les dignes fils de nos sages aïeux...
En vain, des imprudents suscitent un orage ;
Rien ne peut effrayer l'homme vraiment pieux.

La haine et la vengeance, etc.

L'Apprenti.

Mais, Frère, c'est au nom du divin architecte,
Du Dieu de vérité, du Dieu puissant et bon,
Que l'on vient nous montrer comme une race abjecte 
De loups, de mécréants, de suppôts du démon...

Méritons-nous, etc.

LE MAITRE.

Dieu l'a dit par la voix d'une sainte victime ;
Septante fois sept fois nous devons pardonner,
Frère, n'oublions pas ce précepte sublime,
Et ne nous empressons jamais de condamner.

La haine et la vengeance, etc.

L'Apprenti.

Frère, la loi de Dieu là-bas est méconnue ;
Satan a, contre nous, déchaîné son enfer ;
Rome, aux siècles passés semble ètre revenue,
Et Loyola sur elle étend sa main de fer.

Méritons-nous, etc.

LE MAITRE.

Mais, de la vérité le flambeau nous éclaire ;
Sa lueur, en tout temps, sert de guide à nos pas
D'impuissants détracteurs que craignons-nous, mon Frère ?

Plaignons les insensés ; ne les maudissons pas.

La haine et la vengeance, etc.

LES DEUX Maçons.

Ensemble proclamons, de la Maçonnerie,
Les principes d'amour, de paix, de Charité,
Au Pontife romain, lorsqu'il nous injurie,
Opposons notre foi : Dieu, l'immortalité.
Au nom de tous les cultes,
Tous les hommes aimons.
Oublions les insultes ;
Nous sommes Francs-Maçons.

Frère A. Grout, Rose-Croix            

Sous une forme moins virulente, on retrouvera l'écho de préoccupations semblables dans un chansonnier suisse en 1865.

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