Cupidon corrigé

 

Les 14 premières pages de ce fascicule de Louis Dubois, publié en 1806 à Alençon, constituent ce Pot-pourri intitulé Cupidon corrigé ou l'Amour devenu franc-maçon.

On retrouve ce texte en juin 1807 aux pp. 240-249 du Tome 6 de L'Esprit des journaux français et étrangers, sous le titre l'Amour devenu Franc-Maçon, Pot-pourri et la signature de Louis Dubois, membre de plusieurs Sociétés savantes de Paris et des départements.

Des multiples badinages de l'époque sur le thème de l'Amour maçon (ou autres fantaisies mythologico-maçonniques concernant par exemple Vénus ou Bacchus), c'est assurément le plus élaboré (il utilise 29 airs différents).

Qui a plagié qui ?

En 1810, Rosny (1771-1814) publie à son tour à Valenciennes un fascicule intitulé 

La Réception de l'Amour au Grade d'Apprenti,
Scène maçonnique composée en forme de pot-pourri,
Par le Frère de Rosny,
et exécutée par plusieurs Frères de la Respectable Loge de la Parfaite-Union, à l'Orient de Valenciennes, 
au Banquet donné le jour de la Fête de l'Ordre, le 24e jour du 4e mois de l'an 5810.

Il s'agit à l'évidence d'une revision du présent texte, avec énormément de points communs mais aussi des différences (ajouts et retraits de quelques couplets). 

S'agirait-il donc d'un plagiat ? Rosny s'en défend, et contre-attaque même en faisant précéder son édition de l'Avertissement suivant :

Le plan de cette bluette maçonnique n'est pas nouveau : il fut traité par moi il y a quelque temps, de concert avec un ami intime qui paraît s'en être approprié, à mon insu, le faible mérite, et qui même en a publié, dit-on, dans une feuille périodique, une partie sous son nom. Ce fait que j'ignorais et que j'ai appris depuis à mon grand étonnement, ne m'a pas empêché de refondre mes premières idées, de les retoucher, de les amplifier et de les adapter à la circonstance. Cette découverte a fait penser avec quelque raison à un frère de cet orient que je m'étais paré des plumes du paon. Que ce frère se rassure ; si pour le convaincre il était besoin de preuves, je lui opposerais le grand nombre, beaucoup trop grand peut-être de mes productions littéraires, et je lui demanderais s'il en est une seule qui soit au-dessous de la faible bluette dont il paraît me contester la propriété.

Dans la colonne de droite ci-dessous, un lien sous la mention Air renvoie à une page de ce site (ou d'un autre). Le sigle   devant cette mention signifie qu'en cliquant sur lui on entendra l'air concerné.

Cupidon corrigé,

ou 

l'Amour devenu franc-maçon.

Pot-pourri

par Louis Dubois

Membre de plusieurs Sociétés savantes de Paris et des départements

HOMMAGE

 

   Air : Il faut de la santé pour deux

 

Soeur d'Adoption maçonnique,
Tendre Soeur de Félicité,
Reçois l'hommage véridique
De cet Amour que j'ai chanté.
Je l'ai peint fuyant les délires,
Discret, sincère et plein d'ardeur,
C'est l'offrir comme tu l'inspires,
L'offrir comme il est dans mon coeur.

 

 

 

 



  Air : La victoire en chantant, nous ouvre la barrière.

Il est un Temple saint, loin de l'oeil des Profanes,
Où la Nature et la Raison
Sagement ont voilé d'emblêmes diaphanes
Et leurs décrets et leur leçon.
Là quiconque a vu la Lumière
Marche éclairé de son flambeau ;
A ses yeux la Nature entière
Apparaît sous un jour nouveau.

Un maçon prêchant par l'exemple
Défend ses Frères dans leurs maux ;
Aux Vertus il érige un Temple, 
Au Vice il creuse des Cachots. 

  Air : Fidèle époux, franc militaire.

Ce Temple aussi vieux que le monde 
Dont il retrace à tous les yeux
Et l'antiquité si profonde
Et les décrets mystérieux :
Ce Temple est la Maçonnerie,
Où des vertus pleines d'attraits
D'une Fraternité chérie
Nous prodiguent tous les bienfaits.

  Air : La Boulangère a des écus.

L’amour un jour eut le désir
D’être Maçon sincère :
Comme il n’aime point à languir,
Il court trouver un Frère.
Futur Confrère,
Je viens m'offrir
Pour Récipiendaire
M'offrir
Pour Récipiendaire.

Un Maçon.

Air : Te bien aimer, ô ma chère Zélie.

Gentil enfant, quoiqu'un peu trop volage,
A l'Orient tu seras présenté,
Aux Passions imposant un frein sage,
Si tu soumets en tout ta volonté.

L'Amour.

  Air : De haut en bas.

Je le promets.
A l'instant je deviens plus sage :
Je le promets.
Je corrige, si tu m’admets,
Tous les défauts de mon jeune âge,
Mes goûts légers, mon cœur volage :
Je le promets.

 le Maçon.

  Air du Menuet d'Exaudet

Viens, suis-moi !
A ma loi,
Sans rien feindre,
Montre un coeur obéissant ;
Sois docile et constant ;
Tu n'auras rien à craindre.
Point de peur :
Notre coeur
La condamne
D'abord, fais ton testament :
C'est ton dernier moment,
Profane ! ...

L'Amour.

  Air : Aux montagnes de la Savoie.

Amans trahis, femmes fidèles
Qu'obsèdent de fâcheux jaloux,
Je vous fais le don de mes Ailes.
J'offre ma Torche à maints époux.
Mon Bandeau, constant avantage,
Maris trop claivoyans, qu'il soit votre partage !

 le Vénérable.

  Air : J'ai du bon tabac.

Le Profane est là :
Au Frère Terrible
On le remettra ;
Pensez à cela.
Otez le métal corrupteur
Dont il pourrait être porteur :
A ses cris surtout soyez insensible :
A force vigueur
Joignons la rigueur.

  Air : Nous sommes Précepteurs d'amour.

Dans quel costume il est venu !
Pour réparer un tel désordre,
Mettons-lui donc, puisqu'il est nu,
Mettons-lui le Manteau de l'Ordre.

L'Amour.

  Air : Chantant : laetamini.

Messieurs, je suis sans craintes ;
Je connais tant de tours,
De prestiges, de feintes
Pour les nuits ou les jours ......

 les Maçons.

ça n'dur'ra pas toujours. (Ter)

  Air de la Pierre fitoise

Allons vite, Monsieur Cupidon,
Vous allez donc danser le grand rond !
Ne ménageons guères un tel patron :
Vexons fort le Compagnon !
Bon !

L'Amour.

Messieurs les Maçons, laissez-moi donc ! 

 les Maçons.

Tu gigoteras,
Tu sauteras
Et tu courras !
Bon courage, Monsieur Cupidon,
Point de grace et de pardon !
Bon !

L'Amour.

  Air : Daignez m'épargner le reste.

 Je ne suis encor qu'un enfant !
Messieurs, votre épreuve est trop forte.

 les Maçons.

Tantôt vous fesiez l'arrogant.
Vous nous traitez bien d'autres sortes.
Allons, Monsieur le Libertin,
La faiblesse serait funeste ;
Vous étiez beaucoup trop mutin,
Trop égrillard et trop lutin .....

L'Amour.

Daignez m'épargner le reste.

 

 

 

 


  

les Maçons.

  Air : Rlan tan plan tire lire

Lutinons le garnement
En plein plan rlan tan plan
Tire lire en plan,
Et menons-le chaudement.
Vexons fort le beau Sire ;
Croit-il que c’est pour rire ?
Rlan tan plan tire lire.
Pour changer de sentiment
En plein plan rlan tan plan
Tire lire en plan,
Qu'il attende un seul moment :
Pour lui sous notre empire
Tout va de mal en pire,
Rlan tan plan tire lire.
Lutinons le garnement
En plein plan rlan tan plan
Tire lire en plan,
Et menons-le chaudement :
Vous danserez, beau Sire !

  Air : C’est la verdure, ou bien de la Baronne.

A la lumière
Des vertus et de la raison
On dompte l'Enfant de Cythèr.
Ainsi finit le papillon
A la Lumière.

L'Amour.

Air : Rendez-moi mon écuelle de bois.
[cet air est donné par la Clé du Caveau sous le n° 507]

Je n'ai fait que changer de bandeau ,
Messieurs, je n’y vois goutte.
Rendez-moi surtout mon flambeau
Pour mieux suivre ma route.

 les Maçons.

A quelques épreuves, de nouveau,
Soumettons le Récipiendaire.
Qu'as-tu besoin de ton flambeau ?
Tu vas voir la Lumière.

L'Amour.

Air : Je n'saurais danser.
[cet air est donné par la Clé du Caveau sous le n° 266]

Non, je n'en puis plus :
Mes forces sont inégales,
Mes voeux superflus.
J'en conviens, je suis confus.

 le Vénérable.

Qu'il n'ait à subir 
Que des épreuves morales !

L'Amour.

J'y vais obéir
Avec beaucoup de plaisir.

 le Vénérable.

  Air : des Folies d'Espagne 

De tes défauts fais-nous l'aveu sincère ;
Avec franchise il faut en convenir ; 
Et, si tu veux être enfin notre Frère, 
Sois franc et vral : tu vas le devenir.

L'Amour.

  Air : du Pas redoublé de l'Infanterie.

Je suis insoumis et léger ;
La malice me guide ; 
J'insulte, au moment de changer ;
Mon sourire est perfide ; 
Et sur le trône et sous le dais,
Comme sur la fougère. 
Sans égards, j'atteins de mes traits
Prêtres, Rois et Bergère.

Air : Comme j'aime mon Hyppolite.

Je les trahis avec plaisir ;
Je brave les lois; les usages ;
J'inspire un coupable désir ; 
J'ai fait faillir et Dieux et Sages.
Par moi Jupiter fut taureau ; 
Phèdre devint aussi ma proie ;
Hercule tournant le fuseau ; 
En cendres je réduisis Troie.

   Air des Trembleurs

Après cet aveu sincère , 
Pour prouyer qu'en digne Frère
Je devrais voir la Lumière
Que cherchent mes yeux obtus,
Permettez qu'en cette Loge, 
D'où la fausseté déloge,
J'esquisse un peu mon éloge 
Et m'élève à vos vertus.

Air : Je ne suis pas si diable

Comme vous je dédaigne 
Les Métaux corrupteurs ; 
Et, comme vous, j'enseigne 
A rapprocher les cœurs. 
L'Egalité traitable 
Toujous me plut à voir ...
Je ne suis pas si diable 
Que je suis noir. 

 le Vénérable.

 ici (midi) ou ici (MP3)  Air : Aussitôt que la Lumière.

Aussitôt que la Lumière 
Luira pour le patient; 
Quand le Récipiendaire
Aura prêté son serment,
Ces Gants blancs seront un gage,
Emblème de sa candeur ;
Ce Tablier à l'ouvrage
Doit exciter son ardeur.

L'Amour.

   Air : Je vais quitter ce que j'adore.

Oui, j'aimai, je chéris encore
La ligne droite du Cordeau.
L'ami, l'amante qu'il adore,
Je sais les soumettre au Niveau.
Votre Compas à tout le monde
Doit plaire, mais à moi surtout :
Puisqu'il trace une forme ronde
Qui sera toujours de mon goût.

   Air : Il faut des époux assortis.

Nous resterons toujours d'accord ;
Messieurs, je marche sur vos traces.
Vos Nombres me conviennent fort :
Trois est bien le nombre des Graces ;
J'aime à me trouver à mon choix
Admis entre les Deux Colonnes ;
Et ce nombre de Trois-fois-trois
M'a toujours valu des couronnes.

  Air : Je l'ai planté, je l'ai vu naître 

On ne trouve plus à Cythère,
Trois-fois-trois, ton nombre si doux !
(On le voit bien : tout dégénère.)
Je le retrouverai chez vous.

Air : Chansons, chansons.
[cet air est donné par la Clé du Caveau sous le n° 90] 

Econduit par un sort contraire,
Cet amant qui se désespère,
Qu'on n'aime plus,
Pour entrer quoiqu'il puisse faire,
Comme chez vous, est à Cythère
Aux Pas-perdus.

le Vénérable.

  Air : Des fraises, des fraises.

Chevaliers et Compagnons,
Officiers dignitaires,
C'est l'Amour que nous fêtons :
A sa gloire applaudissons,
Mes Frères.      (Ter.)

Air : Charmante Gabrielle.

Recevez, mon cher Frère,
Nouvel Initié,
L'Accolade sincère,
Baiser de l'Amitié.
Prenez pour la tendresse
Votre Flambeau,
Pour l'humaine faiblesse
Votre Bandeau.

(midi)   (MP3)  Air : L'Amour m'a fait la Peinture

Sous le bandeau peu prospère
L'Amour jadis imprudent,
Depuis qu'il voit la Lumière,
Beaucoup plus qu'à l'ordinaire
Montre du discernement.

   Air La Victoire en chantant nous ouvre la Barrière. [NB : reprise de l'air d'ouverture]

Pour goûter le bonheur, le vrai bien de la vie,
La Lumière de la Raison
Nous prescrit l'Amitié loin de la perfidie,
L'Amour loin de la trahison.
Enfant de la délicatesse,
Epuré par un coeur constant,
L'amour n'est point une faiblesse :
Il est un noble sentiment.

Depuis qu'il a vu la Lumière,
Depuis qu'il connaît la Raison,
L'Amour est constant et sincère,
Puisqu'il est digne Franc-Maçon.

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