Sur la présomption de quelques jeunes maçons

 Cliquez ici pour entendre le fichier midi de cette partition, séquencé par Christophe D. 

Cette chanson occupe les pages 34 à 39 de la Lyre maçonne pour les travaux et les banquets (1786) de Le Bauld-de-Nans.

Nous ne l'avons encore trouvée dans aucun autre chansonnier.

Le conflit des générations en maçonnerie n'est sans doute pas une nouveauté : l'auteur considère visiblement le (supposé présomptueux) jeune maçon qu'il gourmande comme un petit con d'la dernière averse (comme aurait dit Brassens), mais il lui fait la leçon sur le ton, extrêmement suffisant, de l'argument d'autorité : le jeune maçon ne serait-il dès lors pas fondé de le considérer à son tour comme un vieux con des neiges d'antan ?

On remarquera, à l'antépénultième couplet, l'assimilation de l'Apprenti à la pierre informe (ou pierre brute) qu'il faut tailler, assimilation exprimée de façon beaucoup plus explicite qu'il n'est habituel au XVIIIe : une fois de plus, Le Bauld se manifeste ici comme un maçon qui conceptualise plus tôt que les autres le symbolisme et la philosophie maçonniques. 

Mais l'Ariste qui sculpte ladite pierre aurait-il quelque chose à voir avec celui évoqué à la même époque par Honoré ?

   

sur 

LA PRéSOM[P]TION

de

QUELQUES JEUNES MAçONS.

 

 

 

A peine as-tu vu la Lumière,
Initié présomptueux,
Que sur le but de ta carrière,
Tu fais des discours monstrueux.
Tel que le fou dans le délire,
Tu crois tout ce que peut produire
Ta folle imagination.
Touchant encor trop aux ténèbres,
Tu sens de leurs vapeurs funèbres
La fatale contagion.

Choeur.

Touchant encor aux ténèbres &c.

 

Dans les accès de ce délire,
Au milieu de ta nullité,
Ta bouche avec ton coeur conspire
Pour étouffer la vérité.
En vain elle se fait entendre.
Comment pourrais-tu la comprendre ?
Tu ne distingues pas sa voix.
C'est l'erreur que tu lui préfères ;
Tu te nourris de ses chimères,
Et tu ne veux pas d'autres loix.

Choeur.

C'est l'erreur que tu lui préfères  &c.

 

Dans cette masse qu'on t'expose,
Couverte par un voile épais,
Peux-tu connaître quelque chose ?
Peux-tu distinguer quelques traits ?
Sous le compas du Géomètre,
L'Enfant voit cent figures naître,
Mais en comprend-il les secrets ?
Malgré ton rayon de lumière,
Tu n'es qu'un enfant dans ta sphère ;
Apprends ; réflèchis ; & te tais.

Choeur.

Malgré ton rayon de lumière  &c.

 

Dans notre Art un Maître est novice ;
Juge de tes égaremens.
Si tu consultes ton caprice
Dans tes hardis raisonnemens.
Ce n'est qu'au bout de ta carrière
Que tu connaîtras la Lumière
Qui nous mène à la vérité.
Mais c'est en suivant la sagesse,
Comme ton unique maîtresse,
Que tu verras cette clarté.

Choeur.

Mais c'est en suivant la sagesse &c.

 

Contemple cette pierre informe,
Elle n'attend que le ciseau.
L'Ariste à son gré la transforme :
Et c'est un chef-d'oeuvre nouveau.
Jeune orgueilleux, c'est ton emblême,
Oui, cette pierre, c'est toi-même,
Que doivent former nos leçons.
Assis à la porte du Temple,
De nos vrais Sages suis l'exemple.
Un mot ne fait pas les Maçons.

Choeur.

Assis à la porte du Temple &c. 

Sous tes pas, vois quels précipices
Creuse ton esprit orgueilleux.
Comme un Profane en proie aux vices,
Tu propages leur germe affreux.
Ennemi de toute harmonie,
A troubler l'Ordre, ton génie
Met & sa gloire & ses succès.
Ton aveugle orgueil, sur ta tête,
Prépare & grossit la tempête :
La honte en va lancer les traits.

Choeur.

Ton aveugle orgueil, sur ta tête &c.

 

Si tu veux que notre Art sublime
Puisse tourner à ton bonheur,
Sois humble ; & vrai Maçon réprime
Les écarts d'un esprit trompeur.
Attends que nos Maîtres eux mêmes,
T'expliquent ces sacrés emblèmes
Qui feront ta félicité.
Tu connaîtras par nos préceptes,
Que pour être au rang des Adeptes
Il faut suivre la vérité.

Choeur.

Tu connaîtras par nos préceptes &c.

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