La Casserole

 Cliquez ici pour entendre un extrait de l'air d'origine, chanté par Bach et Laverne en 1933 (d'après une page d'un site consacré à la chanson française de la fin du Second Empire aux années cinquante)

 

Les élections législatives françaises de 1902 avaient donné aux républicains une majorité suffisante pour réaliser un des objectifs affirmés du Grand Orient de France (alors très politisé), la séparation de l'Eglise et de l'Etat. La loi de 1905 allait concrétiser ce succès. Mais dès 1904 l'Affaire des fiches avait rendu au parti adverse l'espoir d'arriver à renverser la vapeur à l'occasion des élections suivantes. 

L'affaire des fiches

A l'article FICHES (Affaires des) de son Dictionnaire de la Franc-maçonnerie (PUF), Daniel Ligou décrit comme suit l'Affaire des fiches :

Après le redressement républicain de 1899 et le succès électoral du «Bloc» républicain aux élections de 1902, Combes nomma au ministère de la Guerre, dans le but très précis d'assurer le loyalisme de l’Armée à la République et d'avantager les officiers républicains que l'administration avait retardés dans leur avancement au cours de la période précédente, le général André, radical sincère et dont les qualités professionnelles étaient évidentes.

Ne voulant pas se fier aux notes données par les commissions d'avancement, bourrées d'officiers cléricaux et hostiles à la République, André chercha à s'informer sur les capacités et les opinions des militaires par l'intermédiaire des «associations républicaines », et un membre de son cabinet, Ie capitaine Mollin qui était Maçon, demanda à Desmons, alors président du Conseil de l'Ordre, de l'aider dans cette tâche. Desmons y consentit, et le Frère Vadecart, secrétaire général du Grand Orient, fut chargé de trouver des correspondants, de faire établir des fiches et de les communiquer au ministère.

Le résultat fut bon. Des officiers de premier plan comme Joffre, Gallieni, Sarrail, furent promus au premier plan et l'esprit de l’armée cessa de causer de l’inquiétude aux dirigeants républicains.

Le traître Bidegain vendit les fiches à un député nationaliste Guyot de Villeneuve. Le 28 octobre 1904, celui-ci en donna lecture à la Chambre et André, malade, se défendit mal. Ce fut le début de la dislocation du ministère Combes.

(ci-contre à gauche) Jean-Baptiste Bidegain (1870-1926), initié en 1892 et fondateur de l'Action Socialiste, devint en 1894 sous-chef au Secrétariat du Grand Orient de France. 

Exclu de la maçonnerie après avoir vendu les fiches à un député, Bidegain chercha à se venger par des écrits antimaçonniques et antisémites (ci-dessus et ci-contre à droite).

L'Affaire des Fiches est racontée en détail dans l'ouvrage Scandale au Grand Orient d'Emmanuel Thiébot (Larousse, collection L'Histoire comme un roman, 2008), dont la couverture reproduit une caricature d'époque sur la pieuvre maçonnique - coiffée ici de la traditionnelle casserole.

On trouve aussi sur le web un résumé de l'affaire.

ci-contre : carte postale antimaçonnique portant sur l'Affaire des Fiches.

(image empruntée aux intéressantes pages consacrées sur son site par le Grand Orient de France à son exposition 100 ans de Laïcité - 1905-2005).

Cette chanson de 1906 se situe dans la perspective de cette campagne électorale.

carte postale de propagande (1907)

Les deux premiers couplets sont consacrés à l'exploitation de l'affaire des fiches. Le quatrième, dans la perspective de la dénonciation du complot judéo-maçonnique, témoigne d'un antisémitisme haineux qui, de nos jours, vaudrait certainement à son auteur des poursuites judiciaires. Le dernier se réjouit d'avance de la défaite électorale espérée des blocards (membres du bloc républicain) assimilés aux maçons. 

Et l'exploitation systématique de toute affaire où pouvait être impliqué un maçon permettait d'accuser la maçonnerie de ne traîner que des casseroles - d'où le titre et le refrain de la chanson - dont on coiffe l'ennemi : comme on le voit ci-contre, le procédé est fréquent dans l'iconographie anti-maçonnique de l'époque.

Combes était devenu la cible des caricaturistes tant anti-maçons que droitiers.

La chanson (créée en 1868) Les Pompiers de Nanterre, de Philibert, Durani (texte) et Antonin Louis (musique), connut un succès durable dans le genre du comique troupier :

Je viens chanter, belles de France,
Un corps charmant, plein de vaillance,
C't'auguste corps, c'est les pompiers,
Qui d' Nanterre, sont les brav's troupiers !
Ce corps-là, sacrebleu !
Bien qu'il éteign' les flammes,
Dans l' cœur des plus bell's fâmes
Tous les jours il met l' feu !

Quand ces beaux pompiers vont à l'exercice
Pleins d'un'nobl'ardeur, faut les admirer ;
Ils embrass'nt d'abord leur femm' et leur fisse,
Puis, sans murmurer, dans Nanterre ils vont manœuvrer.
Tzim la i la, tzim la i la , les beaux militaires,
Tzim la i la, tzim la i la , que ces pompiers-là !
Tzim la i la, tzim la i la , les beaux militaires,
Tzim la i la, tzim la i la , que ces pompiers-là !

 

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